LA TRIBUNE FONDA N°261
mars 2024
Engagements des jeunes : encadrer ou accompagner ?

Loin du fantasme d'une jeunesse monolithique, ses engagements sont pluriels et constituent un enjeu politique, d’abord public. Faut-il les encadrer ou les accompagner ? Le numéro de mars de la Tribune Fonda explore la variété des engagements des jeunesses et de leurs représentations. 

 

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Penser les engagements des jeunesses dans leur pluralité

Édito écrit par
Stéphanie Andrieux
Fondatrice de Benenova et membre du HCVA

Pourquoi tant de préjugés négatifs sur les jeunes et leur capacité à s’engager, alors que les diverses enquêtes et études sur le sujet sont unanimes concernant la forte propension des jeunes à l’engagement, ou plutôt aux engagements ?1  Car c’est bien avec un prisme de pluralité que le sujet doit être abordé, pour éviter le fantasme d’une jeunesse monolithique, sur laquelle chacun plaquerait sa propre expérience de vie. 

Pluralité des engagements, donc : des choix de consommation aux pétitions, en passant par le bénévolat, les mobilisations en ligne ou les occupations d’espace. La multiplicité de supports distingue les jeunes engagés des générations précédentes. 

Pluralité des jeunesses aussi. Selon son lieu d’origine et d’habitation, ses études, son milieu socio-économique, l’expérience de jeunesse peut être dramatiquement différente d’un individu à l’autre. À 23 ans, on est jeune certes, mais on peut aussi être étudiant, jeune parent, à la recherche d’un emploi tout en vivant au domicile parental ou encore en emploi et indépendant. Relevons également la pluralité des définitions du concept même de « jeunesse ». 

Les bornes sont variables en termes d’âge et évoquer l’autonomie est de plus en plus imprécis tant la situation économique rend ce passage de plus en plus tardif et complexe. La jeunesse est avant tout un temps de construction de soi et de son rapport au monde. Chaque individu vit ce passage à sa façon, tout en étant influencé par le monde qui l’entoure. 

À côté de cette réalité variée, il en est en effet une autre, très partagée : les jeunes d’aujourd’hui ont grandi dans un monde très différent de celui de la génération précédente, caractérisé par une superposition et une succession de crises. 

L’engagement des jeunes n’est pas en réaction à ces crises, mais il est fortement structuré par celles-ci, comme le rappelle Claire Thoury2

Les problématiques sont si vastes et si imbriquées qu’on veut les approcher de façon systémique et radicale3  et non plus panser les maux du monde. Cela se manifeste notamment par la pluralité et la fluidité des engagements décrites plus haut : quand les problématiques sont urgentes et les enjeux liés les uns aux autres, compartimenter ses engagements semble illogique, voire contre-productif. 

Tous les jeunes ne s’engagent pas, mais la proportion de jeunes engagés est bien supérieure à celle de la génération précédente. En 2023, les moins de 35 ans et les plus de 65 ans représentent une proportion identique de bénévoles : un quart chacun. L’engagement des moins de 35 ans a en effet grandement augmenté alors que les 65 ans et plus ont au contraire témoigné d’un repli continu4

Dans ce contexte, pourquoi une telle insistance sur l’engagement dans les politiques publiques de jeunesse5 ? Pourquoi une telle inquiétude au sein de nombreuses associations sur leur capacité à mobiliser des jeunes ou sur la véracité de l’engagement de ceux-ci ? 

Tentons une hypothèse : l’engagement des jeunes, leur capacité à inventer de nouvelles formes de mobilisation, leur vision globale ne mettent-ils pas les générations plus âgées face à leurs contradictions ? 

Comment expliquer autrement ce balancement régulier entre dépréciation et glorification des engagements des jeunes ? 

Tâchons de ne pas remplacer une défiance généralisée, les « jeunesses radicalisées », par une décharge « c’est à vous les jeunes de créer le monde de demain ! » Comme le rappelait l’activiste Greta Thunberg au Forum Économique Mondial de Davos en 2019 : « Nous avons tous le choix. Nous pouvons garantir les conditions de vie futures de l’humanité, ou nous pouvons continuer comme si de rien n’était et échouer. C’est à vous et à moi de décider. […] Les adultes continuent de dire que nous devons aux jeunes de leur donner de l’espoir. Mais je ne veux pas de votre espoir […] je veux que vous agissiez. » 

Les leviers d’action pour affronter les enjeux du monde contemporain ne pourront être identifiés ou mis en oeuvre sans dialogue, comme le montrent les différents retours d’expérience inclus dans ce dossier et le nombre de colloques associatifs et de publications qui sont consacrés à ce vaste sujet6

Ouvrons ensemble un dialogue nuancé entre générations, car comprendre le passé permet de mieux appréhender le futur et mieux comprendre le présent permet de ne pas s’accrocher à des schémas dépassés. Plus largement, c’est un dialogue entre citoyens aux parcours de vie différents dont nous avons besoin, pour construire ensemble une société solidaire, juste et durable.

  • 1Lire à ce sujet Recherches & solidarités, La France associative en mouvement 2023, 2023, et Anne Muxel et Adelaïde Zulfikarpasic, Les Français sur le fil de l’engagement, L’Aube, 2022.
  • 2Claire Thoury, « Est-ce que les jeunes engagés ont demandé à être accompagnés ? », Tribune Fonda n° 261, mars 2024, [en ligne].
  • 3Radicale est ici entendue comme « à la racine » — voir sur ce point la précédente Tribune Fonda « Engagement radical, engagement total ? »
  • 4Recherches et solidarité, La France bénévole, édition 2023.
  • 5On pense au Service civique, mais surtout, plus récemment au Service national universel (SNU), au Contrat d’engagement jeune (CEJ) et aux initiatives attendues pour le « réarmement civique ».
  • 6Dont des publications de l’Injep comme Nelly Guisse, Sandra Hoibian (CRÉDOC), Francine Labadie et Joaquim Timoteo (Injep), « L’engagement des jeunes : une majorité impliquée, une minorité en retrait », Jeunesse - Étude et analyses n° 36, novembre 2016 et Élodie Bellarbre et Laëtitia Drean (Injep), « Engagement : quels leviers pour mobiliser les jeunes en retrait ? » Analyses et synthèses n° 3, juin 2017.