Associations et démocratie

Dix débats locaux en Ile-de-France

La Fonda
Et Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (Adels), Dix débats locaux en Ile-de-France
Expérimentation menée par la Fonda en partenariat avec l'Adels et le Cevipof en 2008.

La Fonda étudie depuis plusieurs années les causes et dimensions de la crise du politique, et le rôle que pourraient jouer les associations dans son possible renouveau. Après une série d’entretiens en 2005 avec des associations de terrain de quartiers dits « difficiles » en Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Ile-de-France, un séminaire interassociatif avait été organisé en octobre 2005 (La tribune fonda n°176) ; avant de confronter les résultats de ce travail au regard de parlementaires à travers un séminaire organisé à l’Assemblée nationale en avril 2006 (La tribune fonda n°179). Enfin, en janvier 2007, au cours d’un colloque organisé en partenariat avec le Cevipof et le quotidien Le Parisien – Aujourd’hui en France (La tribune fonda n°187), acteurs associatifs, élus et chercheurs avaient, pendant deux journées d’échanges, formulé un diagnostic collectif de la crise du politique en France et réfléchi les pistes pour y répondre. En amont de ce colloque, un sondage sur le thème avait été réalisé par le CSA (La tribune fonda n°182).

Présentation et méthodologie

L’expérimentation « Dix débats locaux en Ile-de-France », constitue le prolongement de ces travaux. Menée en 2008 en partenariat avec l’Adels et le Cevipof, elle vise à approfondir la réflexion sur les moyens de retisser les liens entre citoyens, élus et institutions politiques à partir d’une analyse des modalités de relations entre associations et élus municipaux au plan local. Elle a été soutenue par le conseil régional d’Ile-de-France, la mairie de Paris et le ministère en charge de la vie associative. Cette expérimentation a permis à environ 70 élus municipaux et 130 responsables associatifs d’échanger autour de leurs expériences et de participer à une réflexion collective sur les enjeux des relations entre élus et associations, leurs attentes réciproques et les propositions pour améliorer leurs partenariats. La synthèse ci-dessous présente la méthodologie de l’enquête et les principaux constats qui ont émergé des rencontres organisées, concernant les enjeux et difficultés des relations entre élus et associations, et les représentations des acteurs. L’ensemble du matériau sera restitué, de manière large, à l’occasion d’un colloque, organisé le 21 mars 2009 au Conseil régional d’Ile-de-France, dont l’objectif sera, au cours de trois ateliers thématiques, de formuler des propositions concrètes en faveur de la démocratie en Ile-de-France.

L’enquête conduite de janvier à octobre 2008 sur onze territoires en Ile-de-France, à Paris dans les 11e, 13e, 16e, 17e et 18e arrondissements, et en Ile-de-France à Asnières, Cergy, la Ferté-sous-Jouarre, l’Ile-St-Denis, Sèvres et St-Denis. Les territoires ont été choisis en fonction de l’intérêt des maires et de leurs adjoints en charge de la démocratie locale et/ou de la vie associative pour la démarche, mais aussi selon une certaine diversité de situations géographiques et sociologiques. La participation a été en moyenne de 15-20 personnes par territoire, dont 7-8 élus et 12-15 responsables associatifs, avec néanmoins des différences significatives d’un territoire à l’autre.. Pour chaque territoire, le « débat local » s’organisait en trois phases : ► deux réunions préparatoires (1h 30), l’une avec des élus, l’autre avec des associations, au cours de laquelle les participants ont débattu de la nature de leurs relations, de leurs attentes, des problèmes ou difficultés qu’ils rencontrent et des pistes de travail possibles. L’objectif de ces réunions préparatoires était de permettre, dans un premier temps, aux acteurs de partager leur expérience et de construire une parole collective, entre élus d’une part, entre acteurs associatifs d’autre part ; ► une réunion de restitution (2h) avec l’ensemble des participants, élus et acteurs associatifs, afin de permettre la réaction de chaque groupe aux propos et questionnements de l’autre groupe, le débat et la réflexion sur des pistes de travail. Chacune de ces réunions a fait l’objet d’un compte-rendu validé par les participants, et un document de synthèse a été élaboré pour chaque territoire.

Il s’agit d’une enquête qualitative qui vise, par le croisement de regards d’acteurs de territoires différents, à identifier des axes qui structurent les relations entre élus et associations et leurs enjeux. Il ne s’agissait donc pas d’avoir un échantillon représentatif de la vie associative locale, mais une diversité de témoignages. De même, l’objectif n’était pas de formuler un diagnostic de la vie associative du territoire participant.

Synthèse de l’enquête

Des constats préalables portent sur la nature des relations entre élus et associations, sur leurs attentes réciproques, les différences et complémentarités de leurs actions respectives, ainsi que sur les conditions nécessaires au dialogue et les tensions inhérentes à ces relations. Elus et associations ont de nombreuses attentes les uns envers les autres. Les élus attendent des associations qu’elles soient des relais sur le terrain, un point d’entrée vers la population, notamment certains publics en difficultés sociales, mais aussi qu’elles remplissent leur rôle d’acteur de proximité et fassent remonter les besoins sociaux. En outre, les élus apprécient la réactivité des associations et leur capacité d’adaptation aux problématiques qui se présentent à elles. Enfin, les associations sont acteurs de la démocratie locale, selon les élus, et doivent être forces de propositions. Les associations quant-à-elles attendent des élus soutien et accompagnement, qu’il soit financier, matériel, mais aussi symbolique : il appartient aux élus de valoriser la vie associative et de donner de la visibilité aux actions menées sur le territoire. Ainsi, les acteurs identifient des différences dans l’action de chacun, et de fortes complémentarités qu’il est bon de développer afin éventuellement de renforcer l’action des uns par celle des autres. Pour cela, l’importance d’un dialogue régulier est relevée sur l’ensemble des territoires : les participants ont regretté qu’il ne soit pas suffisamment développé ou structuré de manière collective. Ce dialogue est d’autant plus important que les participants font état d’ambiguïtés de fond dans les relations qui sont à prendre en compte, sur des questions touchant à l’autonomie associative, aux enjeux politiques locaux, aux proximités de parcours qu’il peut exister entre responsabilités associatives et responsabilités politiques, la dépendance des associations locales aux moyens alloués par les élus, le rôle de contre-pouvoir des associations, etc. Voici donc les principaux thèmes abordés par les participants au cours de la trentaine de réunions organisées, qui structurent cette synthèse : – leurs rapports à l’intérêt général ; – le rôle des services administratifs ; – la construction des partenariats ; – la place des associations dans le débat politique ; – l’émiettement de l’action publique et associative sur les territoires.

1 - Associations, élus et intérêt général

Associations et élus situent leur action les uns par rapport aux autres en fonction de plusieurs dimensions : le rapport au temps, au territoire, et le positionnement par rapport à la notion d’intérêt général sont des dimensions fréquemment relevées dans les discussions.

  • Rapport au territoire * L’« action de proximité » est une expression souvent utilisée pour qualifier l’intervention des associations sur les territoires. Sont mises en avant leur connaissance du terrain et des besoins des populations. à ce sujet, deux postures différentes peuvent apparaître. – Les élus ont parfois le sentiment que les associations ne sont que dans cette proximité, cantonnées dans leur objet social et une vision étroitement locale des problèmes. Les élus auraient une vision plus « globale » de l’ensemble du territoire et de l’organisation des politiques publiques. – Les associations revendiquent, à partir de cette proximité, une vision plus exacte des problématiques sociales sur le territoire et des choix de politiques urbaines qui en découlent, et mettent parfois en avant le manque de présence des élus sur le terrain.

  • Rapport au temps * Deux représentations sont relevées chez les élus et les associations. – Les élus ont parfois des difficultés pour faire comprendre aux associations les contraintes, notamment administratives, qui pèsent sur l’action municipale et allongent les délais de réponse et d’intervention. « Un élu ne travaille jamais dans l’immédiateté. » Les élus apprécient d’ailleurs les capacités d’adaptation et la souplesse d’action des associations, mais en même temps pointent leurs difficultés à dépasser le quotidien et à se projeter dans le temps. – Inversement, les associations ont parfois le sentiment que les élus ne répondent aux problèmes sociaux que dans l’urgence, au coup par coup, avec un manque de travail de fond ou de vision à plus long terme. De la même manière, les associations disent qu’elles ont besoin de temps pour élaborer leurs projets, alors que les élus sont davantage contraints par la durée de leur mandat.

  • Rapport à l’intérêt général * La notion d’intérêt général apparaît fréquemment dans les discours des participants. – Si certains élus affirment que l’action associative peut participer à l’intérêt général, la notion est le plus souvent utilisée pour distinguer leur action de celle des associations, ces dernières étant identifiées à des « intérêts moins généraux », « particuliers », voire « corporatistes ». Ils disent que les associations sont parfois sur leur « pré carré », difficilement capables de se projeter au-delà de leur champ d’action précis. Les élus seraient donc les garants de l’articulation de ces actions associatives avec l’intérêt général, l’« intérêt public », l’« intérêt collectif ». – Pour les associations, leur présence sur le terrain participe à l’intérêt général puisqu’elle permet de révéler des besoins et questions sociales non pris en compte par les politiques publiques. Le caractère désintéressé de leur action leur permettrait en outre d’appréhender certains problèmes mieux que les élus, contraints par des intérêts électoraux et financiers.

2 - Associations, élus et administrations

Dans les débats apparaît un troisième acteur, les services administratifs, évoqués de plusieurs manières.

  • Élus et associations face aux contraintes administratives * Les contraintes administratives sont évoquées comme obstacles aussi bien à l’action des élus qu’à celle des associations. – Les associations évoquent des problèmes dans le suivi des dossiers de subvention, et l’opacité du fonctionnement des services (difficultés à trouver des interlocuteurs). De même la complexité des procédures et réglementations entrave l’action associative. – Les élus évoquent également les délais importants dans lesquels peuvent être mises en œuvre leurs actions en raison des cheminements administratifs qu’elles doivent emprunter avant leur concrétisation.

Les services ont un rôle stratégique dans la relation entre élus et associations sur les territoires. – Ils jouent parfois le rôle de « courroie de transmission » des demandes associatives vers les élus. – Les élus peuvent être des intermédiaires vers les services. C’est le cas lorsqu’ils appuient le dossier de subvention d’une association ou interviennent s’il y a un problème dans la procédure.

  • Les ambiguïtés des relations * Dans cette relation à trois, il est relevé des ambiguïtés et un manque de clarté de la répartition des responsabilités entre élus et services. – Les associations s’inquiètent des interférences de critères politiques et de jeux de pouvoir dans cette relation à trois. – Certains élus disent maîtriser le processus de subventions, quand d’autres renvoient la responsabilité aux services. – Les services, dans l’exercice de leur mission, sont amenés à entretenir des relations directes parfois proches avec des associations, et à orienter les décisions. – Le comportement des associations dans cette relation n’est pas clair non plus, celles-ci usant d’influence directement auprès de l’élu ou auprès des services, ou utilisant le flou de répartition des tâches entre les deux pour faire aboutir leurs demandes.

3 - Relations partenariales

Une partie importante des débats porte sur les moyens d’action des associations, notamment ceux qui leur sont attribués par les élus et administrations (locaux, subventions, etc.). – Beaucoup ont fait part de leur manque de moyens et de leurs difficultés à se projeter dans le temps ou sur d’autres sujets, en raison de la précarité de leur situation financière. – Les élus doivent sans cesse faire face à ces demandes, et certains regrettent que les relations se limitent trop souvent à cela.

  • La nécessité de relations partenariales * La nécessité de relations partenariales équilibrées, qui ne tournent pas seulement autour des aspects financiers, semble un principe largement partagé. élus et associations souhaiteraient davantage « parler le langage du projet, pas seulement celui de l’argent ». Néanmoins, dans les réunions organisées, l’attribution des moyens et les critères orientant les choix prennent l’ascendant sur les modalités de construction de projets partagés et la clarification des attentes, des rôles de chacun et de leur articulation. Afin d’éviter ces travers, le principe des conventions d’objectifs, notamment pluriannuelles, semble le garant de partenariats équilibrés. Est ainsi mis l’accent sur les diagnostics et objectifs partagés et sur l’évaluation nécessaire de ces engagements réciproques, à partir de critères élaborés conjointement. Plusieurs aspects sont présentés comme les bases de ces relations : – le respect de l’autonomie associative ; – la capacité d’écoute mutuelle et de dialogue régulier ; – la formulation claire des attentes et objectifs de chacun, et de leurs complémentarités ; – la transparence des critères de choix et des processus de décision ; – la nécessité de l’évaluation des actions, etc.

  • Des tensions de fond à gérer * Les participants font part de tensions qu’il leur faut gérer dans ces partenariats, dont il faut selon eux prendre conscience afin de les surmonter.

Un risque d’instrumentalisation réciproque Les participants évoquent un risque d’instrumentalisation réciproque : tendances consuméristes chez les associations (« c’est votre subvention qui m’intéresse ») versus tendance clientéliste chez les élus (« c’est l’impact électoral de mon soutien qui m’intéresse »).

Autonomie associative et intervention des élus Des élus expliquent la tendance des associations à osciller entre affirmation de leur indépendance et situation de quémandeuses quand elles en ont besoin. Comment concilier indépendance associative et financement public ? Sur cet aspect, des questions quant aux limites que doivent se donner les élus sont fréquemment évoquées : ils doivent trouver un équilibre entre « ingérence », en raison du regard qu’ils doivent avoir sur l’utilisation des fonds publics par les associations, et « laisser faire », en raison du respect de la liberté associative.

Les objectifs des financements Une hypocrisie est évoquée sur les financements : les élus partent souvent du principe qu’ils ne financent pas du fonctionnement mais du projet, c'est-à-dire des actions concrètes et non le projet associatif en tant que tel et la structure qui le porte, ce qui contraint les associations à déguiser des coûts de fonctionnement de la structure en coût de mise en œuvre des projets. Les deux parties prenantes ne sont pas dupes, mais font comme s’il n’en était rien.

Le pouvoir des élus Les élus municipaux sont conscients d’avoir un pouvoir important sur la vie des associations locales : l’attribution de moyens est souvent la condition de la pérennité de l’association. Les choix de financement des associations devraient donc être l’objet d’un « réel débat politique » qui n’est pas souvent approfondi par l’équipe municipale.

La politisation de certaines associations La politisation de certaines associations entraîne un « mélange des genres » qui ne facilite pas l’instauration de relations de confiance.

Les marges de manœuvre des élus Les élus se disent souvent « coincés » dans l’attribution de moyens : pour préserver des relations de confiance, ils ont des difficultés à refuser une subvention ou même à diminuer les moyens alloués antérieurement sans soulever des contestations importantes. Ils sont donc conduits à rester sur le statu quo en reproduisant à peu près ce qui se faisait antérieurement. La reconduction automatique à l’identique ou avec un pourcentage d’augmentation ou de diminution pour tous ne facilite pas l’élaboration d’un ciblage de la politique municipale de soutien à la vie associative.

  • Municipalité et politique associative * Les participants insistent donc sur la nécessité d’une véritable « politique associative » de l’équipe municipale afin de donner des lignes directrices aux partenariats noués avec les associations et ainsi une cohérence aux interventions (critères d’attribution des subventions, répartition des responsabilités entre délégations, définition d’interlocuteurs, principes partagés, etc.). à ce sujet, des élus ont fait part de difficultés pour harmoniser les pratiques entre des délégations aux fonctionnements très différents et en raison de la diversité des associations avec lesquelles ils sont en contact.

4 - Associations, élus et débat politique

  • Un accord sur les principes * Elus et associations mettent en avant les vertus du débat public ; les notions de démocratie participative et de concertation apparaissent fréquemment dans les discussions comme des principes partagés par les acteurs. Des instances spécifiques permanentes existent partout (conseils ou comités de quartier, etc.) ; à Paris fonctionnent en outre les Cica (structures de consultation des associations de l’arrondissement) et diverses procédures de concertation se mettent en place, au cas par cas, en fonction des besoins.

  • Des questionnements multiples * Si un accord apparaît parmi les acteurs sur ces principes, il l’est à différents degrés, ce qui peut se traduire par une mise en œuvre et des attentes très différentes. En la matière, les acteurs semblent chercher leurs marques.

De la part des associations Elles font part de problèmes dans la préparation des réunions (circulation de l’information) et se posent des questions sur la manière dont les élus choisissent les sujets et les interlocuteurs des concertations. De plus, elles évoquent un manque de retour sur leur contribution, un manque de suivi et une opacité des décisions politiques qui résultent de ces concertations. Certaines associations constatent enfin que la continuité des processus dépend parfois de la seule volonté des élus qui peuvent y mettre fin, quand les débats s’écartent trop de ce qu’ils en attendent. Les associations relèvent parfois une limite des processus de concertation au niveau local. En raison des enjeux financiers et de leur dépendance de la Mairie en termes de moyens, des « tendances à l’autocensure » de la part des associations, ou des « pressions à l’autocensure » provenant des élus, peuvent être constatées.

De la part des élus Des élus éprouvent souvent des problèmes dans la construction d’un débat public ou d’une concertation dans la mesure où ils doivent être adaptés, au cas par cas, aux décisions à prendre ou aux politiques publiques à mettre en place (choix des interlocuteurs, instances, outils, échelle territoriale, critères d’évaluation, etc.) Ils s’interrogent de plus sur le moment propice à la concertation. Ils doivent en effet se concerter au sein de l’équipe municipale sur les projets avant de les soumettre aux habitants et aux acteurs associatifs. Dès lors, quand les projets sont discutés sur la place publique, ils sont déjà en partie arbitrés donc difficilement modifiables. Ce que les associations constatent effectivement, s’interrogeant sur l’utilité d’une concertation sur des dossiers « déjà ficelés ».

Sur les outils de la concertation La question de la multiplicité des instances est parfois soulevée, surtout à Paris, notamment les chevauchements et articulations possibles, mais aussi celle de la bonne utilisation des outils, en fonction de leurs objectifs et modes de fonctionnement. À Paris par exemple, les conseils de quartiers correspondent à une démarche de consultation avant tout individuelle des habitants et sont fortement reliés à l’agenda municipal, alors que le Cica constitue une organisation collective d’associations ayant droit à débattre et fonctionne davantage séparément de l’agenda municipal. Plus particulièrement, un dilemme est relevé concernant les instances, entre : – les instances largement ouvertes à tous, individus et associations, dont les participants changent en fonction des sujets traités, mais qui ont l’avantage de n’exclure personne a priori ; – les instances avec un nombre limité de représentants qualifiés de la société civile qui valorisent la stabilité des interlocuteurs dans le temps, mais qui limitent la participation.

  • La place des associations dans la démocratie participative * Les élus font état d’ambivalences concernant la place des associations dans la démocratie participative. Leur dimension collective leur confère une capacité de médiation et leur structure leur permet une participation dans la durée selon les élus. Mais elles peuvent dans le même temps constituer des écrans à l’expression des citoyens : des élus ont fait part d’un sentiment de « mainmise » sur certains dispositifs. La place des associations par rapport aux habitants, par exemple au sein des conseils de quartier, est questionnée : sur quoi repose la légitimité des associations à participer ? Quel est le statut de leur parole par rapport à celle des habitants ?

  • La représentation associative * Le Cica à Paris est l’objet de nombreuses discussions, qu’il s’agisse des moyens qui lui sont alloués, des capacités à construire une parole inter-associative, de son fonctionnement entre les sessions du conseil d’arrondissement qui lui sont ouvertes, de sa composition, du suivi de ses propositions, de son articulation avec les conseils de quartier, etc. Le Cica pose plus largement la question de la représentation associative et de sa légitimité. – L’institutionnalisation d’une représentation associative permet visibilité, stabilité et continuité des relations entre élus et associations. – Mais des participants, associatifs et élus, ont mis en avant les risques de notabilisation de cette représentation et de monopolisation de la parole par certaines associations. Ce sont en effet souvent les associations les plus pérennes ou habituées aux processus de concertation qui s’expriment dans ce type d’instance, ce qui pose la question de l’absence de certaines paroles associatives pourtant nécessaires aux concertations. – Ils s’interrogent de plus sur la pertinence en soi de la représentation associative : elle peut être considérée comme en contradiction avec le fait associatif, puisqu’elle fige dans le temps une image de la vie associative, alors que celle-ci est par nature en perpétuel mouvement.

5 - Les fragmentations de l’action

  • L’éparpillement des initiatives associatives * C’est un constat qui est fait sur l’ensemble des territoires, par les élus et les associations, en dehors de quelques initiatives ponctuelles évoquées de concertations interassociatives : globalement, les associations se connaissent peu entre elles et disent avoir peu d’information sur les autres associations. A ce sujet, une demande émerge de la part de beaucoup d’associations : elles attendent de l’élu la coordination des initiatives, et la mise en lien des associations entre elles. Le travail interassociatif qui pourrait être effectué indépendamment de l’impulsion des élus est peu souvent évoqué. Ce rôle d’impulsion, les élus le revendiquent d’ailleurs fortement, et font souvent part de leur surprise du manque d’interconnaissance entre des acteurs associatifs du territoire qui pourtant, a priori, ont des points communs, voire font le même travail. Plus généralement, les obstacles à l’interassociatif sont relevés par beaucoup d’acteurs, qu’il s’agisse des risques de concurrence entre associations ayant des objets proches, ou du manque de moyens, la ressource bénévole étant rare et les efforts de coordination très difficiles. La précarité de certaines associations remet en cause la durabilité de leur action dans l’espace public. Des initiatives naissent ainsi sur les territoires, sans lendemain, et à la suite d’autres et sans forcément de liens entre elles.

  • La diversité associative * Elle est relevée à chaque réunion par les élus : de quoi parle-t-on quand on emploie le terme d’« association » ? Le terme peut définir des réalités très différentes. Ainsi, dans leurs liens aux associations, les élus sont confrontés à la nécessaire identification de la « réalité de l’action associative ». Élus et associations font d’ailleurs souvent une première distinction entre les « vraies » et les « fausses » associations, selon des critères assez différents (ancienneté, notoriété, taille, part des financements publics, nombre de bénévoles et de salariés, périmètre d’intervention, fonctionnement démocratique ou non, « capacité d’ouverture », etc.S). Elus et associations constatent donc la très grande diversité des associations (en fonction de leur objet, de leur taille, de leur ancienneté, de leur forme d’organisation et d’intervention, etc.) et la difficulté, pour les uns comme pour les autres, de se repérer dans ce foisonnement. Les élus peinent à trouver les « bons » interlocuteurs, les associations à se coordonner sur le terrain et dans leurs relations aux élus pour éviter les concurrences stériles.

  • Les problèmes de circulation de l’information * C’est un constat fort, que l’on rencontre auprès des élus comme des associations. Même quand les outils et médias sont présents (affichage, journal local...), l’information a du mal à circuler entre la mairie, les habitants et les associations. Ces dernières se plaignent du manque de visibilité des actions municipales et des processus de décision. Le constat est encore plus fort quand il s’agit de la circulation des informations entre associations : elles se connaissent peu entre elles, et manquent d’information sur les évènements que les autres organisent.

  • Les fragmentations de l’action publique * Des constats quant au manque de visibilité et de lisibilité des actions concernent aussi l’action des élus et l’organisation des services.

L’organisation des services Les associations ont par exemple du mal à comprendre l’organisation et la répartition des champs de compétences parmi les services, et à y trouver des interlocuteurs. Elles regrettent le manque de transversalité et de concertation entre les services, particulièrement gênant quand l’action de l’association concerne le champ de compétence de plusieurs services.

Les politiques publiques Cela concerne également la diversité des politiques publiques dont les dispositifs complexes se chevauchent, sans que la cohérence d’ensemble soit perceptible. Face à cela, le rôle des élus n’est pas toujours clair.

La politique associative de la municipalité Concernant la politique associative de la municipalité, une difficulté est relevée face à la diversité des associations concernées par telle ou telle décision ou politique particulière. C’est souvent « au cas par cas » que les élus considèrent les choses. Il serait nécessaire, dans le même temps, d’avoir des principes et critères partagés entre élus, afin que leurs interventions soient cohérentes auprès de leurs différents interlocuteurs associatifs. Les échelons territoriaux De plus, la multiplicité des échelons territoriaux et la répartition des compétences entre eux est parfois source de confusion pour les associations. Le niveau intercommunal est souvent évoqué, vers lequel les élus municipaux ont un rôle de relais à jouer, pour les associations.

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