Associations et démocratie

Loi séparatisme : conséquences pour un responsable associatif

Tribune Fonda N°251 - Impuissance démocratique : comment retrouver le pouvoir d’agir ensemble ? - Septembre 2021
Arnaud Schwartz
Arnaud Schwartz
120 ans après la loi de 1901 relative au contrat d’association, la loi confortant les principes républicains et de lutte contre le séparatisme, dite « loi séparatisme », n’est pas un cadeau pour la liberté associative. En dépit des alertes de la société civile, des instances européennes et internationales, le Parlement choisit une voie dangereuse dans un contexte d’atteintes à nos libertés.
Loi séparatisme : conséquences pour un responsable associatif
Bénévoles de France Nature Environnement des Alpes de Haute-Provence © FNE des Alpes de Haute-Provence

Sous prétexte de séparatisme, la loi s’attaque aux associations avec des mesures disproportionnées par rapport au problème qu’il prétend traiter. Elle impose ainsi une mise sous surveillance généralisée de la liberté associative.

Le pouvoir y prévoit pour toutes les associations de nouvelles contraintes, contrôles de leur vie, de leurs actions, de leurs finances, et il les soumet à des risques de sanctions arbitraires, pouvant aller jusqu’à la dissolution, qui risquent de bouleverser profondément la vie démocratique.

Pourtant, dans les associations comme celles du mouvement France Nature Environnement (FNE), ce sont des centaines de milliers de militants, bénévoles ou salariés, qui confortent la République et font vivre le contrat social chaque jour sur le territoire français.

Comme si FNE et toutes les associations en général étaient séparatistes, on leur impose unilatéralement un « contrat d’engagement républicain» s’ajoutant au socle commun d’agrément, forçant les associations recevant des subventions publiques à se soumettre à des obligations floues édictées par le ministre de l’Intérieur, sujettes à des interprétations arbitraires.

Pour FNE, dont les subventions représentent une part importante de ses ressources, le refus, le retrait ou la restitution des sommes, fondés sur des critères équivoques, représentent un risque permanent pour son activité, ses salariés, ses bénévoles et l’existence même de la fédération.

Refuser ou abroger à tout moment l’agrément de FNE sur des motifs arbitraires est lourd de conséquences puisqu’il lui permet de participer aux débats environnementaux et de mener des actions devant les juridictions administratives, en défense d’intérêts collectifs, d’action de groupe ou en défense d’intérêts individuels. En méconnaissance d’un cadre légal déjà largement suffisant, la loi rompt par son esprit de sujétion et défiance le lien de confiance établi par la charte des engagements réciproques de février 2014.

Pire encore, l’article 8 étend les possibilités de dissolution d’association. Il rompt aussi avec la responsabilité classique des personnes morales pour imputer aux associations les agissements qui sont soit commis par des membres agissant en cette qualité, soit directement liés à leurs activités.

Ce nouveau motif impose une charge de contrôle aux dirigeants associatifs, impossible dans les faits.

Comment, en tant que président de FNE qui compte près de 6 000 associations affiliées et 900 000 militants, puis-je contrôler et anticiper tous les agissements des membres ? À tout instant, avec ce texte, FNE risque sa dissolution.

Comme si ce n’était pas suffisant, les articles 10 et 11 tels qu’ils sont rédigés inscriront dans le temps des mesures de contrôle importantes, contraignantes, aux sanctions lourdes pouvant avoir des effets durables pour l’ensemble des organisations faisant appel à la générosité du public.

Vu toutes les menaces que la dégradation continue des écosystèmes fait peser sur notre société, plutôt que d’amoindrir la liberté associative, il faut renforcer des associations comme les nôtres pour conforter les principes républicains et faire vivre la démocratie.
 

Le rôle du conseil constitutionnel

Le projet de loi sur le séparatisme a achevé son parcours législatif le 23 juillet 2021 par une adoption à l’Assemblée
nationale à 49 voix contre 19.

Une saisine du Conseil constitutionnel, par soixante sénateurs et plus de soixante députés le 26 juillet 2021 a néanmoins suspendu la promulgation de la loi.

Les Sages de la rue de Montpensier ont rendu leur décision le 13 août : malheureusement, celle-ci valide des dispositions qui placent dans une insécurité durable la liberté associative.

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