Enjeux sociétaux

Association inclusive : pourquoi et comment passer à l'acte ?

Tribune Fonda N°252 - L'inclusion comme horizon - Décembre 2021
Anne-Claire Devoge
Anne-Claire Devoge
Et Le Mouvement associatif
Dans le secteur associatif, les questions d’inclusion ne vont pas d'elles-mêmes. C’est valable dans d’autres secteurs, à ceci près que, sur des questions d’égalité des genres, d’insertion vers l’emploi ou encore de la lutte contre le racisme, les acteurs de l’inclusion sont bien souvent des acteurs associatifs eux-mêmes. De fait la tentation est grande pour les associations de penser, parce que leur gouvernance est bénévole et démocratique, qu’elles sont solidaires et inclusives par nature.
Association inclusive : pourquoi et comment passer à l'acte ?
Extraits de l'inclusiscore, un outil développé par le Mouvement associatif. © Agence Tongui / Le Mouvement associatif

« Ce n’est pas qu’on ne veut pas inclure les femmes dans la gouvernance, c’est qu’elles ne se présentent pas ! » « Vous êtes vraiment en train de nous dire que s’il n’y a pas d’égalité dans votre gouvernance, ce serait à cause des femmes elles-mêmes ?! »

Voici le type d’échanges que l’on peut bien souvent entendre quand on aborde le sujet de l’accès des femmes aux responsabilités associatives. Si cette anecdote peut prêter à sourire, elle est aussi révélatrice de la difficulté à transformer les pratiques et d’un constat bien réel.

Bien que la situation évolue, les responsabilités associatives restent encore à la main des seniors et des hommes. 61 % des dirigeants sont des présidents contre 39 % de présidentes, et 63 % ont 55 ans et plus1 .

Concernant l’ouverture des missions bénévoles, du chemin reste également à parcourir : absence d’adaptation des missions bénévoles pour les rendre accessibles à certaines vulnérabilités, accueil parfois « privilégié » des bénévoles qui ont des compétences, frontière parfois ténue avec un processus de recrutement, etc.

Par ailleurs, les diverses études sur le profil des bénévoles portent les mêmes constats : l’engagement serait plutôt le fait de personnes à l’origine sociale favorisée. Dans son enquête de mai 20192 , Recherches & Solidarités s’alarme et parle de « fracture associative » : 15 % des moins diplômés étaient bénévoles en France en 2018 alors que dans le même temps, la proportion des plus diplômés était de 31 %.

Bien que les questions d’inclusion progressent à travers la société, notamment sous l’impulsion des règlementations, force est de constater que les marges de progression sont encore importantes.

Sur le principe, l’inclusion suppose en effet un effort démocratique pour que tous les citoyens, en situation de fragilité ou non, puissent participer pleinement à un projet associatif, selon un principe d’égalité d’accès et de droit.

Dans les faits, le nez dans le guidon, concentrés sur des missions reposant sur l’engagement bénévole, la question de l’inclusivité est bien souvent perçue comme une contrainte de gestion supplémentaire par les dirigeants (associatifs ou non). Non pas qu’ils n’aient pas conscience des enjeux et de leur importance, mais ces contingences sont éloignées de leurs préoccupations quotidiennes.
 
Enfin, parfois, certaines associations aimeraient bien progresser dans leurs pratiques, mais ne savent pas comment s’y prendre. En fonction des situations personnelles, l’adaptation des missions ou encore des statuts peut paraître insurmontable et les associations n’ont pas forcément conscience que d’une part, il existe des outils simples, des dispositifs et même des formations pour les accompagner dans cette démarche, et que d’autre part, les démarches d’inclusion sont à adapter en fonction du projet associatif.

L’association est inclusive d’abord dans le périmètre de son projet. Par exemple, Bagage’Rue3 — dont l’objet est de créer et de gérer des lieux de consignes de biens personnels pour les personnes en situation de précarité — s’est posé la question de l’inclusion de ses bénéficiaires.

Plusieurs réponses ont été apportées, dont l’ouverture des instances décisionnelles de l’association aux personnes vivant ou ayant vécu dans la rue. Enfin, il existe de nombreuses associations4 sur les territoires pour les accompagner dans leurs démarches.

Ainsi, pour faire évoluer et améliorer l’inclusion dans les associations, il faut débloquer les freins du passage à l’acte. La question, toujours la même, est : «comment»?

Pour encourager la réflexion des acteurs associatifs sur les questions liées à l’inclusion, le Mouvement associatif a créé l’inclusiscore : un outil d’autodiagnostic en ligne et anonyme, permettant à chaque association d’évaluer son niveau d’inclusion au sens large (parité femmes- hommes, racisme, diversité sociale, homo- phobie, haine anti-LGBT+, inclusion des personnes en situation de handicap).

Il prend la forme d’un questionnaire de 22 questions articulées autour de trois axes.

—    «Le projet associatif», d’une part. La question de l’inclusivité se pose par rapport au projet associatif qui va conditionner la manière dont on pense l’inclusivité. Il ne s’agit pas de définir ce qu’est un projet associatif inclusif, ou une association inclusive, mais de permettre aux associations de penser le périmètre de l’inclusivité au regard de leur projet politique et ce qui la freine aussi.

—    «L’ouverture à tous», d’autre part. Comment l’association se donne-t-elle les moyens pour accueillir des personnes qu’elle ne touche pas ? Là où l’on peut faire des connexions : l’école par exemple, avec d’autres institutions, mais aussi en interassociation ; aller chercher des projets en dehors de nous pour les faire venir à nous.

—    Enfin, « la gouvernance ». Elle est un levier pour faire évoluer les pratiques en matière d’inclusion, mais peut être elle-même un facteur de blocage. Il convient de réfléchir aux modalités d’action sur la gouvernance.
 
Pour chaque question de l’inclusiscore, le répondant attribue une note au regard de la situation de son association. Le test peut être réalisé plusieurs fois, seul ou à plusieurs, avec les bénévoles et les salariés. Les résultats sont mis en relation avec les notes moyennes de l’ensemble des participants, permettant au répondant de se situer par rapport aux autres.

Mais cette note n’est pas une fin en soi. Elle permet d’une part de se placer par rapport à une moyenne, mais aussi et surtout de dégager des axes d’amélioration potentiels pour sa structure. L’outil permet ainsi de disposer d’une « photo à l’instant T » et fournit des clés pour cheminer vers une association plus inclusive.

Les ressources mises en ligne sur le site et associées aux différentes thématiques permettent à l’association d’avancer sur les différents sujets, de nourrir sa réflexion, de s’inspirer des pratiques déjà mises en œuvre par d’autres.

L’inclusiscore est en fait un outil de passage à l’acte, qu’il faut utiliser dans une optique d’amélioration du fonctionnement de son association. Les questions ne sont pas là pour juger une performance liée à l’inclusivité d’une structure. Le véritable but est que les associations qui y répondent décident d’engager le débat en interne et d’améliorer leurs pratiques.

Faire le test de l’inclusiscore ne rendra pas l’association inclusive, mais donne des clés pour prendre conscience que cette dynamique est progressive, qu’elle est de plus en plus un marqueur social et, surtout, qu’elle fait sens dans le projet associatif.
 

  • 1Lionel Prouteau, Le bénévolat en France en 2017 : état des lieux et tendances, La Fonda, 2018.
  • 2Recherches & Solidarités, La France bénévole : évolutions et perspectives, 2019.
  • 3Lauréat du prix «Engagement» des Waldeck 2020.
  • 4Parité femmes-hommes, racisme, diversité sociale, homophobie, haine anti-LGBT+, inclusion des personnes en situation de handicap.
Analyses et recherches