Associations et entreprises

Au-delà du mécénat

Tribune Fonda N°217 - Association et entreprise : quelles alliances pour transformer le monde ? - Mars 2013
Brigitte Lesot
Brigitte Lesot
Chorum est une mutuelle de protection sociale complémentaire paritaire, dédiée aux employeurs de l’ESS et leurs salariés. Pour aller plus loin dans son engagement pour le secteur, Chorum a créé en 2006 Cides, centre de ressources et d’action pour le développement de l’emploi de qualité dans l’ESS.

Les propos de Brigitte Lesot ont été recueillis par Charlotte Debray.

La rédaction : Chorum – Cides a engagé de longue date des initiatives en faveur des relations entre associations et entreprises. Quels sont les enjeux de cet engagement ?

Brigitte Lesot : Avec la promotion des partenariats associations-entreprises, nous souhaitons apporter une réponse à la double contrainte associative : pérenniser sa capacité d’initiative dans un contexte de demande sociale accrue et de contraction des financements. Nous croyons que face à l’ampleur des défis sociaux et environnementaux à relever, les associations ont une expertise et une expérience à faire valoir. Nous partageons ainsi la conviction que des pistes de collaborations nouvelles sont à explorer, notamment avec les entreprises, qui sont confrontées à des enjeux communs.

Une autre conviction nous anime : il faut sortir de la logique de mécénat et encourager des formes de collaboration innovantes, qui permettent d’expérimenter des solutions nouvelles. C’est le sens de notre collaboration depuis 2007 avec le Rameau. Les études et groupes de réflexion nous ont permis en 2012 de concevoir un premier outil1 . Celui-ci a ensuite nourri une offre de séminaires en région et de nombreuses interventions auprès d’associations de toutes tailles et de tous secteurs.

La rédaction : Quels enseignements en tirez-vous ?

B.L. : Ces diverses rencontres avec les acteurs associatifs de terrain m’ont convaincue que la clé du succès d’un partenariat pérenne réside dans deux qualités : imagination et empathie.

L’imagination d’abord. Les associations doivent savoir dépasser les préjugés pour explorer le champ des possibles. La méconnaissance réciproque reste le frein dominant, ce malgré l’appétence forte des associations pour le sujet. Pourtant, le chemin parcouru est indéniable. Certains secteurs sont précurseurs et cumulent aujourd’hui une longue expérience de la coopération avec le monde de l’entreprise (secteurs du handicap, de l’environnement, du sport). Ces associations savent diversifier les cibles et les approches. Elles sont ouvertes à toutes les formes de collaboration. Elles offrent des exemples réussis et originaux sur lesquels s’appuyer pour encourager le passage à l’action. Leur moteur : avoir compris que les différences mais aussi les complémentarités entre associations et entreprises sont sources d’enrichissement, de créativité.

D’autres à l’inverse ont une approche restrictive du potentiel de partenariat avec l’entreprise. Elles considèrent la perspective d’une collaboration avec l’entreprise par le petit bout de la lorgnette : celui d’un apport complémentaire de financement. Or, s’il y a bien une évolution du modèle des ressources associatives (baisse des financements publics, augmentation des recettes d’activité)… les dons privés ne peuvent constituer une alternative pérenne, du moins pas sous forme de mécénat financier. D’une part parce qu’on est loin d’un effet compensatoire ; d’autre part en raison de la sensibilité des dons à la conjoncture.

C’est pourquoi notre position est d’inciter les associations à dépasser la logique de subventionnement. Inversement, les entreprises ne peuvent se contenter de la logique verticale du mécénat. Une relation collaborative, source d’innovation sociétale et de création de valeur, voire de flux d’affaires, est possible.

Les associations doivent aussi se montrer inventives dans le ciblage de l’entreprise. Nous observons un effet miroir entre associations et PME. Aussi, ma seconde recommandation serait d’inciter les associations à ouvrir la porte des PME, avec lesquelles elles présentent des similitudes et des intérêts partagés en matière d’ancrage territorial et de « marché », qui en font des alliés naturels.

Ce dernier constat m’amène à l’empathie, facteur de compréhension réciproque, elle-même gage d’un partenariat gagnant-gagnant, ancré dans la durée, et générateur de bien commun. Il s’agit pour l’association de savoir appréhender les enjeux de l’entreprise visée, afin d’élaborer un partenariat qui réponde aux attentes de l’entreprise comme aux besoins de l’association.

Partout où elle est mise en œuvre, cette réciprocité fondée sur l’empathie participe au dynamisme de socio-économique des territoires. À cet égard, les PTCE (Pôles territoriaux de coopérations économiques), en favorisant les mutualisations entre des acteurs économiques que l’on oppose depuis trop longtemps, sont un puissant levier de développement local. Je me réjouis donc que cette initiative trouve une reconnaissance institutionnelle dans le projet de Loi relatif à l’ESS.

En définitive, le partenariat associations-entreprises est clairement un levier de transformation sociétale. Avec une réserve toutefois à mes yeux. S’il est évident que l’État providence tel que nous l’avons connu est révolu, et que les acteurs économiques et la société civile doivent prendre en main leur destinée pour construire la société de demain, il ne faut pas pour autant éluder le rôle fondamental et régulateur de l’État, garant de l’intérêt général et des principes républicains.

  • 1Un référentiel : Partenariats associations – entreprises. Initier ou renforcer une politique de partenariats envers les entreprises.
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