Enjeux sociétaux

La Cimade : du dialogue à la confrontation judiciaire

Tribune Fonda N°40 - Ce que nous devons aux associations - Septembre 2021
Christophe Deltombe
Christophe Deltombe
Et La Cimade
La Cimade a fêté il y a deux ans ses 80 ans d’engagement en faveur des droits des personnes étrangères, en accompagnant les différentes populations exilées, immigrées et réfugiées, en France mais aussi au-delà de nos frontières.
La Cimade : du dialogue à la confrontation judiciaire
La marche solidaire pour les migrants Vintimille-Londres arrive à Paris en juin 2018 © Jeanne Menjoulet

La Cimade est une vieille dame née en 1939 de l’assistance humanitaire apportée par quelques bénévoles aux personnes étrangères placées dans les camps de regroupement à Gurs, Rivesaltes, Récébédou, Rieucros, Brens, Nexon, puis aux populations juives durant la guerre en organisant des filières d’exfiltration vers la Suisse et, plus tard, de l’accompagnement et du soutien aux indépendantistes algériens.

Si, durant de nombreuses années, le dialogue avec les pouvoirs publics se faisait plus ou moins facilement, les gouvernements successifs n’en reconnaissaient pas moins La Cimade dans ses actions, au point de lui confier dans les années 1980 la mission d’accompagnement social et juridique dans les centres de rétention administratifs.

À partir des années 1990 se développa une législation de plus en plus restrictive des droits des personnes étrangères en raison des surenchères politiques populistes, amalgamant insécurité, attentats islamistes et immigration. Ainsi, 23 lois en 34 ans ont porté sur l’immigration, repoussoir électoral dans une surenchère univoque continue.

En même temps, les relations entre la Cimade et les représentants de l’État se sont durcies, les préfets ayant reçu depuis quelques années des consignes de fermeté, rarement d’humanité. Le dialogue s’est tendu, voire rompu.

Les associations humanitaires comme La Cimade semblent passer aux yeux des pouvoirs publics pour des organisations hostiles, et même complices des passeurs.

L’accusation en a été portée par les plus hauts responsables de l’État à propos des secours en Méditerranée, à Calais et Grande-Synthe ou à la frontière italienne.

Les atteintes aux droits fondamentaux sont nombreuses et leur dénonciation par les associations reste le plus souvent lettre morte. Alors, faute de dialogue, c’est la justice qui est de plus en plus souvent saisie pour forcer les autorités publiques à respecter les lois de la République, les conventions internationales, les droits fondamentaux.

C’est le Conseil constitutionnel qui a déclaré que la Fraternité, troisième terme de la devise républicaine, était un principe constitutionnel. Ce sont les tribunaux administratifs qui ont condamné des préfets à respecter la Convention internationale des droits de l’enfant en condamnant leur expulsion du territoire. C’est le tribunal correctionnel qui a condamné des représentants des forces de l’ordre pour avoir falsifié des documents administratifs présentés aux personnes étrangères aux frontières.

Aujourd’hui, la situation des personnes étrangères en Europe est très difficile en raison de l’opprobre que les populistes jettent sur elles et de la lâcheté de nombreux gouvernements. La justice est le dernier rempart d’humanité.

Témoignage