Économie sociale et solidaire Prospective

Lecture : « L’économie qu’on aime » d’Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine

Tribune Fonda N°229 - Les associations dans un monde en transition – Écologie et économie - Mars 2016
Jacques-André Pill
Recension de l'ouvrage « L’économie qu’on aime, Relocalisations, création d’emplois, croissance : de nouvelles solutions face à la crise » d'Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine, paru en 2013 aux éditions Rue de l'Échiquier.
Lecture : « L’économie qu’on aime » d’Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine

Prendre à rebrousse-poil les idées reçues sur l’emploi pour tous, tel est le point de départ de ce court opuscule avec un mot d’ordre : « Des solutions existent. Mieux, elles fonctionnent. »


Et les cas concrets ne manquent pas pour les trois auteurs avec, il est vrai, un pôle central que constitue le groupe Archer. Il s’agit ni plus ni moins que d’une « véritable immersion dans l’emploi innové ». Ouvrage de réflexion et d’action, il met l’accent sur des initiatives, avec un point fort dans le département de la Drôme. Les auteurs traduisent en mots le fait que « les entreprises de demain font la preuve que chacun a sa place dans le collectif qu’est l’entreprise ».


L’idée de départ est la remise en question du pouvoir du dirigeant d’entreprise « autocrate vis-à-vis des salariés, commis sans autonomie vis-à-vis des actionnaires ». Il s’agit aujourd’hui de réinventer le processus décisionnel de l’entreprise. Des cas concrets sont cités tel celui de la Fondation Bosch chez qui dirigeants et représentants du personnel assurent la gouvernance du groupe. Ou l’attachement très fort au territoire vécu chez l’Occitane.


Une philosophie émerge où il vaut mieux « faire vivre ses valeurs que de maximiser les profits. Et faire des hommes un but et non des moyens ». Dans cet esprit, l’ambition du groupe Archer, dans la Drôme, est de « regrouper les forces vives pour venir en aide aux personnes privées d’emploi ». Le groupe Archer est devenu une entreprise de développement du territoire, via la création de nouvelles activités et le regroupement d’entrepreneurs locaux. Il s’agit de passer ainsi de la logique autocentrée à une « dynamique de développement des territoires ». Par là-même, générer des coopérations d’un genre nouveau avec les élus autour d’une même ambition territoriale. Autre exemple, celui de la Scic Réplic, groupe coopératif en Région Languedoc-Roussillon, dont l’objet est de « produire » des entrepreneurs d’utilité sociale.


Combattre les idées reçues passe par démonter celle qui affirme que les activités à forte valeur ajoutée ont été délocalisées, mouvement il est vrai amplifié par la rémunération faite aux dirigeants pour favoriser ces délocalisations, nombreuses dans les années 2000. Des entrepreneurs, tels MGI Coutier ou Rossignol, ont réagi en imposant qualité, réactivité et proximité pour s’imposer aux donneurs d’ordres, redonnant ainsi une « confiance dans le savoir-faire », avec l’appui concerté de tous les acteurs locaux. D’où une mobilisation des salariés qui se perçoivent comme partie intégrante d’un projet d’entreprise. Et la prolifération de sociétés sous forme de Scop où les salariés prennent part aux décisions et aux bénéfices.


Le succès connu par le groupe Archer tient à la multiplicité d’activités remises en selle, mais également à une ingéniosité économique sans cesse renouvelée, répondant à ce qu’un associé déclare : « Archer ne s’interdit rien pour créer de l’emploi ». On pourrait imager le propos en disant que ce groupe Archer est un « hydre bienfaiteur » grâce à qui, sitôt qu’une tête est tranchée, un emploi est créé. Cette activité n’est possible que par une solide politique de formation, démarche comprise par les pouvoirs publics dans l’accompagnement de la reconversion des salariés, permettant de créer de la performance grâce à une diversité de compétences. Enfin la confiance est le vecteur et le révélateur principal du potentiel. D’où une « effervescence jouissive » au sein du groupe Archer.


Chez ce groupe, le débat sur la croissance n’est pas de savoir si elle va venir et attendre son retour, mais de « prendre nos responsabilités face à un modèle qui ne marche pas » et d’y opposer une croissance pensée en fonction de la finalité du projet, faite pour contribuer à la sauvegarde et à la création d’emplois stables. Les opportunités sont retenues en fonction du nombre de postes maintenus ou créés et non en fonction du potentiel de rentabilité de chacun d’eux. Ainsi se crée une stratégie de développement progressif afin de maintenir des petites unités de production, lesquelles coopérant, représentent une force acquise pour les appels d’offres d’envergure auxquels elles n’auraient pu, sinon, soumissionner. C’est aussi la stratégie adoptée par le groupe japonais Taiyo Kogyo, leader mondial de la fabrication de membranes destinées à la construction, au travers de quarante petites sociétés présentes dans le monde entier.


Les auteurs étayent enfin le propos sur la coopération entre entreprises plutôt que la concurrence telle qu’elle existe. Si elle est nécessaire, la concurrence passe par une remise en cause des thèses de l’économie libérale classique pour parvenir à réinventer des coopérations fortes au niveau des territoires où « le souffle de l’intérêt collectif guide l’action ». Ce sont des « coopérations opérantes » via les PTCE (Pôles territoriaux de coopération économique) où sont associés, autour des Pme, les collectivités locales, les centres de recherche et les organismes de formation. Au point que l’État souhaite un essaimage des PTCE pour en faire une véritable politique nationale.


En conclusion, ce livre se fait le porte-parole de réalisations possibles grâce à « des ambitions collectives au service du développement des individus et du territoire », fil rouge de ces pages enthousiasmantes.
 

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