Engagement Gouvernance

L'engagement bénévole associatif, une citoyenneté active

Tribune Fonda N°239 - Les dynamiques de l'engagement - Septembre 2018
Hubert Pénicaud
Hubert Pénicaud
En 2003, France Bénévolat est créé pour promouvoir le bénévolat. Avec le temps cette mission s’est consolidée, épaissie, densifiée, pour devenir la promotion de l’engagement bénévole associatif pour une citoyenneté active.
L'engagement bénévole associatif, une citoyenneté active

À tous les âges de la vie, les attentes et aspirations des citoyens ont évolué : ainsi dans les années 2000, « l’envie d’être utile » dominait largement les motivations des bénévoles. Depuis, l’idée que « mon engagement associatif est une expression de ma citoyenneté» est venue talonner la motivation première.

Par ailleurs, dans un monde en profonde mutation, de nombreuses associations ont réinterrogé leur projet associatif, souvent pour remobiliser des ressources : ressources financières bien sûr, mais aussi ressources humaines en s’appuyant notamment sur une diversification des modes d’engagement : bénévolat, volontariat, mécénat…

Enfin, d’un point de vue sociétal, la  perte de confiance dans les institutions traditionnelles, tout comme les phénomènes de « fragmentation et de fluidité », pointés par la Fonda au début des années 20101 , ont donné un regain d’intérêt au fait associatif, faisant la part belle aux associations locales désaffiliées et aux initiatives citoyennes informelles.


Un référentiel commun pour les associations


Ces tendances dressent à grands traits les conditions de l’émergence d’une approche par « l’engagement bénévole associatif pour une citoyenneté active ». Peut-on définir des repères communs à toutes les associations ? Peut-on en faire une ambition pour le monde associatif ? Une vingtaine d’associations réunies au sein de la Commission inter-associative de France Bénévolat proposent des éléments de réponse.

Quatre notions sont déclinées sous la forme de défis pour développer la politique du bénévolat au sein d’une association :

  • L'engagement : se réaliser, devenir responsables et solidaires.
  • Le bénévolat : faire des choix libres pour agir de façon désintéressée.
  • L'associativité : agir ensemble dans un but commun.
  • La citoyenneté : prendre la place dans la cité, avec d'autres.


Le sens et la portée de chacune de ces quatre notions suivent les évolutions d’une société elle-même en mutation profonde. C’est pourquoi, les défis retenus s’attachent à être ouverts à ces évolutions, afin de rester en phase avec les aspirations des futurs bénévoles auxquels les associations souhaitent s’adresser.

Par ailleurs, ces quatre notions recouvrent des réalités différentes selon  les associations et leur projet associatif. Ces définitions ne sauraient par conséquent se suffire à elles-mêmes, et laissent à chaque association la liberté d’être adaptées en fonction de leur culture et de l’environnement.

Au début est donc l’engagement. D’une phrase, nous dirons que s’engager c’est pouvoir se réaliser, devenir responsables et solidaires. L’engagement n’est donc ni un état ni un statut, mais avant tout une dynamique, une progression individuelle ou collective. L’engagement doit pouvoir prendre différents modes d’implication qui se complètent tout au long de la vie, notamment à travers les diverses formes de bénévolat et de volontariat.

Pour chaque personne, l’engagement vise l’épanouissement et plus encore l’émancipation. L’engagement doit permettre de se trouver, s’épanouir, donner un sens à sa vie, s’indigner, alerter, interpeller, proposer, prendre des initiatives, bouger les lignes…

Au sein d’une association, l’engagement se développe par la rencontre entre des aspirations personnelles et des ambitions collectives. À partir des repères culturels, philosophiques, politiques, religieux auxquels elle se réfère, il appartient à chaque association de les développer et les partager, notamment pour en faire des signes de reconnaissance et d’appartenance.

Resserrons sur l’engagement bénévole ! S’il est d’abord un don de temps au service d’une action, le bénévolat est aussi un partage de générosité, de dévouement, de passions, d’enthousiasme, de compétences, d’initiatives, de rêves… Pour chaque personne, le bénévolat procède toujours d’un choix libre et volontaire. Cette liberté fondamentale est à respecter et à préserver comme telle, car un bénévole n’appartient à aucune association en particulier !

Au sein d’une association, le bénévolat promeut la gratuité pour produire une action désintéressée, sans contrepartie directe. Cette portée fondamentale permet d’aller au-delà d’un échange « donnant / donnant » pour créer les conditions d’une relation du « donner, recevoir, rendre »2 , dans laquelle chacun sait ce qu’il donne, et découvre dans l’action ce qu’il recevra : du plaisir, des compétences, de la reconnaissance sociale, des relations…

Bien sûr, nous parlons avant tout du bénévolat associatif ! Plus que de l’association, comme structure instituée, c’est de l’associativité dont il est question, comme capacité à agir ensemble dans un but commun, à imaginer, à rêver, à décider, à innover, à évaluer ensemble… Pour chaque personne, l’associativité est le moteur de l’action, elle crée le mouvement pour faire avancer le collectif en respectant la place de chacun en vue de « considérer le succès de chacun comme le succès de tous ! »3

Au sein d’une association, l’associativité transforme le « pouvoir d’agir » en un « pouvoir d’agir ensemble », en fédérant tous les acteurs dans la complémentarité de leurs motivations et parfois de leurs statuts : bénévoles, volontaires, salariés. L’associativité invite à « faire société », elle doit permettre à chaque association de devenir un espace de démocratie participative, jusqu’à associer au projet associatif les personnes directement concernées, pour ne pas les réduire à être bénéficiaires, usagers… Ancrée dans le concret, porteuse de fortes ambitions, l’association est par excellence le lieu de l’initiative, de l’innovation et de l’expérimentation.

Pour finir, notre approche vise une citoyenneté active. Il s’agit de permettre à chacun de prendre sa place dans la cité, avec d’autres. Pour chaque personne, la citoyenneté active, c’est la possibilité de mettre son action dans une dynamique de transformation sociale pour plus de solidarité, de mieux vivre et de mieux faire ensemble.

Il s’agit de sortir du « chacun pour soi » en développant la capacité à devenir « acteur de changement». De donner la possibilité à ceux qui le veulent d’interpeller les pouvoirs publics et leurs concitoyens.

Au sein d’une association, la citoyenneté active créé les conditions de mobilisation locale, nationale, internationale sur des projets d’intérêt général. Il s’agit de partir de la demande sociale, et de se donner les moyens de soutenir et d’accompagner les initiatives citoyennes… dont certaines pourront devenir les aventures associatives de demain !


Trois principes pour guider la promotion du bénévolat


Ainsi défini, « l’engagement bénévole associatif pour une citoyenneté active » conduit à considérer le bénévolat comme un bien commun, appartenant en premier lieu à la multitude de celles et ceux qui deviennent bénévoles et qui font le bénévolat. Son sens et ses formes ne doivent ni leur échapper et ni être instrumentalisés par les pouvoirs publics, les acteurs économiques et les associations elles- mêmes. C’est l’enjeu d’un bénévolat pour tous, avec tous et par tous.

Fortes de cette conviction, les associations membres de France Bénévolat partagent trois principes qui doivent guider la promotion et le développement du bénévolat.

— Le principe de participation, en premier lieu, au nom duquel les associations doivent s’engager à tout mettre en œuvre pour donner à tous les bénévoles la chance d’être acteurs de leur engagement personnel et du projet collectif. Pour les associations, c’est l’exigence d’une vie associative très participative qui mobilise le plus grand nombre de leurs acteurs en valorisant la diversité, et qui permette de créer des espaces de liberté, de créativité, d’initiative, d’innovation…

Le principe d’universalité qui engage les associations à tout mettre en œuvre pour donner la chance de devenir bénévole à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent. Pour les associations, c’est l’exigence d’être accueillantes, de rendre le bénévolat accessible au plus grand nombre, sans prérequis, en prenant les personnes comme elles sont, et non comme on voudrait qu’elles soient, en proposant des démarches d’accompagne- ment adaptées au plus grand nombre.

Le principe de solidarité qui invite toutes les associations à tout mettre en œuvre pour proposer le bénévolat aux personnes qui en sont les plus éloignées. Pour les associations, c’est l’exigence de développer des démarches volontaristes pour choisir d’accompagner des jeunes dits « décrocheurs », des nouveaux retraités, des personnes en situation de handicap, des chercheurs d’emploi, des personnes accueillies par l’association et bénéficiaires de son projet, des personnes sous main de justice, des migrants… et bien d’autres encore.

Promouvoir l’engagement bénévole associatif pour une citoyenneté active c’est porter une parole politique forte au service du vivre ensemble. Ainsi, de nombreuses associations se sont félicitées de la décision du Conseil constitutionnel qui a mis fin au « délit de solidarité », reconnaissant la fraternité comme principe constitutionnel. Cette décision, fondée sur « l’idéal républicain de liberté, d’égalité et de fraternité », assure la reconnaissance et la valorisation des millions de bénévoles qui agissent en ce sens, chacun dans leur domaine, au sein des associations.
 

penicaud
Le bénévolat : un bien commun.

 

  • 11. La Fonda, « Prospective : courants et tendance », La Tribune Fonda n°218, juin 2013. fonda.asso.fr/res- sources/prospective-courants-et-tendances
  • 2Marcel Mauss, Essai sur le don, 1923.
  • 3Formule empruntée au Pacte civique.
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