Engagement

Ressource #5 « Une jeunesse plurielle, Enquête auprès des 18-24 ans » d'Olivier Galland et Marc Lazar, Institut Montaigne [Engagement]

Patrick Boulte
Patrick Boulte
Et Hannah Olivetti
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers la société de l’engagement ? », la Fonda a ouvert un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Dans cette cinquième fiche de lecture, Patrick Boulte présente l'enquête de l'Institut Montaigne, de février 2022, sur « Une jeunesse plurielle ».
Ressource #5 « Une jeunesse plurielle, Enquête auprès des 18-24 ans » d'Olivier Galland et Marc Lazar, Institut Montaigne [Engagement]
Visuel club de lecture ressource #5 © Agathe Thiebeaux / La Fonda

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Ressource #5 Olivier Galland et Marc Lazar (Institut Montaigne), « Une jeunesse plurielle, Enquête auprès des 18-24 ans », février 2022, 87 pages.

Présentation faite par Patrick Boulte, ancien administrateur de la Fonda.

Mots clés : #Jeunes #Diagnostic #Difficultés #Enjeux

ENSEIGNEMENTS CLÉS

Brève présentation de l’auteur

Olivier Galland est directeur de recherche émérite au CNRS. Il est spécialiste des questions de jeunesse, tout en ayant travaillé sur la sociologie des valeurs et la sociologie des inégalités. Il a publié Sociologie de la jeunesse en 2017.

Quant à Marc Lazar, il est professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po Paris. Il est senior fellow de l’Institut Montaigne et également spécialiste des gauches en Europe, de la politique française et italienne et des populismes contemporains.

Pourquoi cette ressource ?

Cette enquête de l’Institut Montaigne, menée avec Louis Harris interactive, offre un panorama des perceptions, des difficultés et des attentes des jeunes. Sur la base d’une enquête en 71 questions, les chercheurs ont interrogé un échantillon de 8 000 jeunes âgés de 18 à 24 ans, ainsi que deux échantillons miroirs de 1 000 personnes qui représentent respectivement la génération des « parents » ainsi que la génération des « boomers ».

Les questions ont porté sur leurs rapports à leur famille, à l’éducation reçue, au travail, à la politique, leurs perspectives, et enfin leur vécu de l’épidémie de COVID-19.

MISE EN PERSPECTIVE AVEC L’ENGAGEMENT

L’enquête s’intéresse d’abord aux difficultés rencontrées par les jeunes à l’entrée de la vie adulte, qui ne se limitent pas juste aux problèmes d’ordre pécuniaire. Elles sont également liées aux relations sociales, notamment amoureuses, et à la situation scolaire.

Les auteurs notent une corrélation entre la façon dont les jeunes ressentent les difficultés financières et l’origine sociale des parents. Plus ils viennent d’une famille aisée, plus ils se sentent protégés des difficultés d’argent. A contrario, ceux qui ressentent particulièrement ces difficultés pécuniaires sont ceux ayant arrêté leurs études avant le baccalauréat ou encore les jeunes femmes.

Ces difficultés n’occultent pas le sentiment de bonheur des jeunes. Ceux qui ont le sentiment d’être malheureux le sont en priorité à cause de difficultés dans les relations avec leurs proches.

Parmi les difficultés que les jeunes interrogés disent rencontrer :

  • 59 % d'ordre pécuniaire,
  • 43 % liées aux relations amoureuses,
  • 41 % par rapport aux études,
  • 32 % par rapport au travail, si le jeune en a un.

Toutefois, 82 % des jeunes s'estiment heureux, contre 77 % pour les répondant de la génération de leurs parents.

L'enquête cherche ensuite à connaître les perspectives d’avenir des jeunes. Sur le volet « travail », les jeunes femmes et les jeunes issus de familles aisées veulent avant tout choisir un travail par passion pour trouver du sens et un épanouissement personnel. C’est un phénomène récent, les précédentes générations voulaient un emploi qui les sécurise. Quant au lieu de vie, les jeunes sont plutôt cosmopolites : plus d’1/5 veut vivre à l’étranger, même si la majorité des jeunes est attachée à la France (80%). Ils préfèrent s’établir en ville (61%) qu'à la campagne ou dans un village (39%).

En termes de sujets de société jugés essentiels, les jeunes sont plus sensibles que leurs aînés aux questions de racisme, d’inégalités et de discriminations. Ils estiment que la question du genre et celle de l’évolution des droits LGBT sont très importantes, contrairement aux autres générations. En revanche, des points de convergence s’observent en termes de préoccupations entre les jeunes et leurs aînés : les violences faites aux femmes, le terrorisme, l’écologie.

Les sujets jugés essentiels par les jeunes interrogés :

  • Les questions de racisme (67 %),
  • Les inégalités (62 %),
  • Les droits LGBT (35 %),
  • Le genre (28 %).

Les jeunes interrogés et leurs aînés ont des sujets d'intérêt communs :

  • Les violences faites aux femmes : 77 % contre 61 % pour la génération de leurs parents,
  • Le terrorisme : 66 % contre 62 %,
  • L'écologie : 62 % contre 51 %.

Sur le volet engagement, les jeunes utilisent plus que leurs aînés des formes de participation politique non conventionnelle : relayer un hashtag, manifester, signer une pétition.

Ces jeunes, souvent issus d’une famille avec un fort capital culturel et/ou les parents sont déjà engagés dans le tissu associatif, ont diverses formes d’engagement dans la société. Au contraire, les jeunes moins engagés dans des actions protestataires sont plus éloignés d’une participation à la vie démocratique, car plus critiques sur la démocratie représentative.

Les formes de participation politique non conventionnelle principalement utilisées par les jeunes :

  • 82 % sont prêts à signer une pétition (contre 77 % de la génération de leurs parents),
  • 69 % à relayer un hashtag (contre 43 %),
  • 56 % à manifester (contre 47 %).

Les auteurs soulignent également une désaffiliation politique d’une grande partie des jeunes. Les plus concernés sont les jeunes femmes, les jeunes n’ayant pas fait d’études ou bien ceux issus de familles modestes. A contrario, les jeunes les moins désaffiliés sont ceux issus de familles dont les parents exercent des professions libérales ou celles à fort capital culturel.

Cette désaffiliation politique s’explique par une grande défiance à l’égard de la démocratie représentative. Les jeunes interrogés s’estiment mal représentés par les députés et pensent que les responsables politiques sont corrompus. À cela s’ajoute un déclin dans l’adhésion au principe d’un gouvernement démocratique.

Néanmoins les auteurs remarquent que « même s’ils sont très critiques, les jeunes ne remettent pas profondément en cause la nécessité des rouages et des institutions organisant la représentation démocratique ».

Ce qui interpelle également est l’acceptation ou la compréhension d’une partie des jeunes à l’égard des formes de violence politique comme le blocage de la circulation, la contestation des élus de la République ou l’affrontement avec la police.

Plusieurs raisons avancées par les jeunes interrogés à la forte désaffiliation politique des jeunes :

  • 61 % se disent mal représentés par les députés,
  • 69 % estiment que les responsables politiques sont corrompus,
  • Près de la moitié n'est pas attachée au principe d'un gouvernement démocratique.

Cela s'accompagne d'une acceptation ou compréhension des jeunes interrogés à l'égard de formes protestataires :

  • Le blocage de la circulation (64 %)
  • La contestation des élus de la République (49 %)
  • L'affrontement avec la police (40 %)

Les auteurs ont dressé une typologie des jeunes pour mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre :

  • En premier lieu, ils relèvent l’existence des « démocrates protestataires » (39 % des jeunes). Ils se caractérisent par un fort intérêt pour les questions sociétales. Bien qu’ils soient attachés à la démocratie et au vote, ils ont tendance à recourir à des pratiques protestataires.
  • Les auteurs identifient ensuite les jeunes « désengagés » (26 %). Ils sont peu investis dans des associations, peu intéressés par les questions sociétales et politiques et rejettent tout changement de société qui soit révolutionnaire.
  • Viennent ensuite les « révoltés » (22 %), qui préfèrent une transformation révolutionnaire de la société. En ce sens, ils approuvent le mouvement des Gilets jaunes et l’utilisation de la violence politique. Contrairement aux jeunes démocrates protestataires venant de milieux plutôt favorisés, les jeunes révoltés connaissent des difficultés matérielles et psychologiques.
  • Enfin arrivent les « intégrés transgressifs » (13%). Ils ont un fort engagement associatif, tout en éprouvant un faible attachement pour la démocratie. Ils baignent dans une culture transgressive empreinte, possiblement, de violence politique.

L’enquête estime que le genre, le capital culturel hérité et la religion sont les trois principales caractéristiques qui différencient les modalités d’engagement social et politique des jeunes.

L'enquête se conclut par un focus sur la crise liée au COVID-19. Les jeunes filles et les jeunes aux situations financières complexes ont été très affectés psychologiquement avec le développement de symptômes dépressifs ou somatiques suite aux confinements. Les jeunes étudiants se sont sentis tout particulièrement isolés.

Il ressort de cette enquête qu’une grande partie des jeunes participe au modèle démocratique, même s’ils en contestent certains aspects. Elle met en avant la corrélation entre l’implication dans le débat démocratique et le bagage social et culturel des jeunes. Il existe un clivage entre les jeunes favorisés et donc plus aptes à participer au débat démocratique, et ceux moins favorisés qui en sont exclus. Ainsi, un quart des jeunes est presque complètement déconnecté des questions d’intérêt général.

Ressources pour aller plus loin

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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Anna Maheu et Yannick Blanc pour la Fonda et mis en page par Agathe Thiebeaux. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3.0 FR.

Fiche de lecture