Associations et démocratie

Dissection d'une loi délétère pour les associations

Tribune Fonda N°251 - Impuissance démocratique : comment retrouver le pouvoir d’agir ensemble ? - Septembre 2021
La Fonda
Et Anna Maheu
Le projet de loi sur le séparatisme, rebaptisé loi confortant le respect des principes de la République, a été adopté le 23 juillet 2021 à l’Assemblée nationale. Depuis sa présentation au Conseil des ministres, ce projet de loi fait l’objet de nombreuses critiques. Le Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de la conférence des OING du Conseil de l’Europe, le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) ou encore la Défenseure des droits ont exprimé des inquiétudes concernant différents articles et leurs conséquences.
Dissection d'une loi délétère pour les associations
Panorama de l'hémicycle de l'Assemblée nationale réalisé avec des photos prises en septembre 2009 © Richard Ying et Tangui Morlier

L’objectif annoncé de ce projet de loi à l’automne 2020 était d’apporter des réponses au repli communautaire et à l’islamisme radical. Cette loi contient donc des mesures aussi diverses que l’encadrement de l’instruction en famille, l’interdiction d’établir un certificat de virginité et la lutte contre la haine en ligne.

Quels articles concernent les associations Loi 1901 ?  

Les articles de la loi concernant spécifiquement les associations loi 1901 sont les articles 6 à 12. Ceux-ci instaurent un contrat d’engagement républicain (article 6), étendent la responsabilité des dirigeants associatifs (article 8), et encadrent les ressources issues de la générosité (articles 10 à 12).
 
Les articles 26 à 29 concernent les associations cultuelles, dites associations loi 1905 et l’article 30 les associations dites « mixtes » (loi 1901 ayant un objet en tout ou partie cultuel).

Article 6 — Instauration du «contrat d’engagement républicain»
Cet article oblige les associations sollicitant une subvention publique à signer un « contrat d’engagement républicain ». Or, les associations recevant des subventions sont d’ores et déjà soumises à des obligations et contrôles, notamment à travers la charte des engagements réciproques. La plupart de celles qui ne respectent pas les « principes de la République » ne recherchent pas ces financements. De plus, cette volonté de contrôle et de logique descendante dans la mise en place d’un contrat porte le risque d’une atteinte aux libertés associatives.
 
Article 7 — Tronc commun d’agrément
Cet article propose une modification des critères d’octroi d’un agrément eny incluant le nouveau contrat d’engagement républicain.

Article 8 — Responsabilité du dirigeant bénévole
Les dirigeants bénévoles deviennent responsables des agissements des membres de l’association sous réserve qu’ils en aient été informés. Cette notion d’information, très floue, inflige une double peine pour le dirigeant bénévole qui se trouve également dans une posture de dénonciation potentielle. Le HCVA a par ailleurs avancé un argument juridique important : « Ce texte risque de créer une présomption de responsabilité du fait d’autrui susceptible d’entraîner la dissolution d’une structure pour le comportement de ses membres. »

Articles 10, et 11 — Mécénat
L’article 10 renforce les contrôles sur les organismes à but non lucratif quant à la régularité de leurs opérations de mécénat. L’article 11 constitue quant à lui une nouvelle contrainte administrative pour les associations faisant appel à la générosité du public. Elles devront déclarer à l’administration fiscale le montant global des dons reçus l’année précédente et le nombre de documents délivrés au cours de cette période. Ce renforcement des contraintes sur les questions de générosité viendra peser en particulier sur les petites associations ne disposant que de peu de ressources dédiées à la gestion administrative.
 
Article 12 — Suspension des avantages fiscaux
Aujourd’hui, les dons effectués au profit d’un organisme condamné pour escroquerie ou abus de confiance n’ouvrent pas droit à un avantage fiscal. Avec cet article, la suspension des avantages fiscaux s’appliquerait aussi aux organismes condamnés pour : blanchiment, recel, actes de terrorisme, atteinte à la vie d’autrui par la diffusion d’informations et intimidation à l’égard d’un agent public (ces deux dernières infractions étaient créées par cette loi).

Quelles sont les critiques du monde associatif ? 

Pour le Mouvement associatif, dont la Fonda est membre, le corpus répressif pour lutter contre « les associations séparatistes » existe déjà. Cette loi vient donc ajouter des mesures renforçant les contrôles et les obligations sur l’ensemble des associations pour traiter les agissements de quelques-unes.

Aussi cette loi risque-t-elle fort de manquer sa cible. Ce sont des associations essentielles au débat démocratique, celles de défense des droits, qui risquent de pâtir le plus des flous juridiques introduits par le texte. Ainsi, le risque plane de voir le cœur de ce qui fait l’action associative, à savoir l’initiative citoyenne, soumis de plus en plus fortement à la volonté de l’État au point de vider le droit d’association de sa substance.
 

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