Prospective Enjeux sociétaux

Fiche ODD n°3 - Bonne santé et bien-être

Tribune Fonda N°237 - Faire des ODD un projet de société - Mars 2018
Aleth Vennin
Aleth Vennin
Présentation et approche prospective de l'Objectif de développement durable n°3. Cette fiche est publiée dans le supplément au numéro 237 de la Tribune Fonda « Faire des ODD un projet de société ».
Fiche ODD n°3 - Bonne santé et bien-être

Cette fiche a été réalisée par Aleth Vennin, étudiante en master Politiques publiques à Sciences Po, avec le concours de François de Jouvenel, délégué général de Futuribles International, et Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda.


L'objectif de développement durable n°3 vise à donner les moyens de mener une vie saine et promeut le bien-être de tous à tous les âges.

L’Organisation mondiale de la santé définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
 

Repères


SITUATION DE L'ODD EN FRANCE

Indicateurs à suivre 

Les neufs premiers indicateurs sont des indicateurs Insee.

  • Taux bruts de décès pour cause de :
    - maladies de l’appareil circulatoire,
    - tumeurs,
    - diabète sucré,
    - asthme et autres maladies chroniques des voies respiratoires inférieures.
     
  • Taux de mortalité maternelle
     
  • Taux de mortalité infantile
     
  • Nombre de tués par accidents de la route
     
  • Quantité d’alcool consommé (en litres équivalents d’alcool pur) par habitant de 15 ans et plus
     
  • Densité des médecins et des professionnels de santé
     
  • Taux bruts de décès pour cause de suicide
     
  • Prévalence du tabagisme régulier (ou quotidien) par tranche d'âge
     
  • Découverte de séropositivité VIH par sexe et par an
     
  • Consommation de psychotropes ou anxiolytiques (Agence du médicament, CNAMTS)
     
  • Indicateur de la Better Live (OCDE)1


Où en sommes-nous en France ? 

La France a atteint l’objectif d’éradication des maladies telles que la tuberculose. Elle a également atteint les deux premières cibles concernant les mortalités maternelles et infantiles. 

En revanche, du fait d’un contexte de croissance de la sédentarité et du vieillissement de la population, 87 % des décès en France sont estimés être dus aux maladies non transmissibles (MNT) comme les maladies cardiovasculaires, les cancers, les diabètes et maladies respiratoires chroniques. La France s’est engagée à réduire d’un tiers le nombre de décès dus aux MNT. 

Elle s’est également engagée dans le Non Communicable Disease Action Plan 2013-2020 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), visant à réduire d’un quart le taux de mortalité prématurée (avant 70 ans) dues à des MNT d’ici 2025 au niveau global.

Concernant la sécurité routière, depuis que le port de la ceinture de sécurité a été imposé en 1972, le nombre de morts sur la route a décru en continu. Cependant, cela fait quatre années consécutives que la mortalité routière augmente légèrement. Deux grands plans ont été lancés par le gouvernement depuis la hausse amorcée en 2014.

La consommation de psychotropes et d’anxiolytiques est élevée en France, bien qu’une baisse ait été amorcée depuis 2012. En 2015, environ 13 % de la population française a consommé au moins une fois un anxiolytique, ce qui est une baisse de 5 % par rapport à 2012. 

La France fait face à un phénomène de désertification médicale. La densité de médecins est hétérogène sur  le territoire, le secteur rural et les banlieues faisant face à une pénurie de médecins. Les professions paramédicales comme les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes connaissent en parallèle une baisse d’effectifs. 
 

Prospective exploratoire


Tendances lourdes

La transition épidémiologique : le stade des maladies chroniques

La transition sanitaire correspond aux évolutions de la morbidité d’une population en fonction de son développement économique et social. Elle prend en compte les transitions démographiques et sanitaires. Cette dernière est divisée en quatre stades (Futuribles, Rapport Vigie 2016).

Le premier correspond à celui de la peste et des famines : il est caractérisé par une très forte mortalité, des grandes épidémies, et une espérance de vie très faible. C’est celui que connaissent des États tels que le Soudan, ou la Corée du Nord.

Le deuxième stade décrit le recul des pandémies. Les principales causes de mortalité sont les maladies infectieuses, la mortalité maternelle et la malnutrition. Ce stade correspond à la situation des Pays les moins avancés (PMA).

Le troisième stade est celui des maladies chroniques. Les principales causes de mortalité sont des maladies comme le diabète, les cancers, les maladies pulmonaires et cardio-vasculaires. Il décrit la situation des pays à moyens revenus et des PMA les plus riches. Le quatrième stade, désigné comme celui des maladies dégénératives, est celui que la France s’apprête à connaître. Il décrit une diminution de la mortalité due aux maladies cardio-vasculaires et les cancers, et une importance des démences (Alzheimer) et autres maladies dégénératives.
 
Le retour des maladies infectieuses

Si dans les années 1960, il était communément admis que le combat contre les maladies infectieuses allait être gagné, le début des années 1990 et la réémergence
de maladies infectieuses comme le Sida marquent une nouvelle prise de conscience.

À l’horizon 2030, cette tendance peut s’intensifier du fait de l’augmentation des migrations humaines à longue distance, et de l’intensification des contacts entre hommes et animaux. 
 
Une couverture universelle 

L’introduction de la Couverture maladie universelle, d'abord expérimentée par l'association ATD Quart-Monde, puis de la Protection maladie universelle ont permis à tout Français de bénéficier d’une assurance maladie. Cependant, les incertitudes concernant le financement de la Sécurité sociale posent la question de son avenir.

La croissance des dépenses de santé

Les dépenses de santé connaissent une croissance depuis ces cinquante dernières années. En France, la consommation de soins et de biens médicaux représentait 3,4% du PIB en 1960, 6,3 % en 1980, 8,2 %
en 2007 et 8,8 % en 2013 (DRESS).

Cette hausse des dépenses de santé est principalement due au progrès médical et technologique, et à la hausse des prix des biens et services de santé.

En France, le vieillissement aurait également contribué pour un tiers à la croissance des dépenses de santé entre 1995 et 2009. Les dernières projections du Trésor prévoient que les dépenses de santé augmenteraient de 9 % du PIB en 2011 à 11,5 % en 2060. Ceci pose la question du financement de la Sécurité sociale, dont le déficit est actuellement de 4,4 milliards d’euros.
 
Le vieillissement de la population française 

Le vieillissement de la population est dû à la baisse de la fécondité, et à l’allongement de l’espérance de vie : entre 1960 et 2012, la part des 0-19 ans est passée de 30 % à 24 % de la population totale tandis que celle des 60 ans ou plus augmentait de 16 % à près de 24 %.

Durant les décennies à venir, la part des plus de 60 ans continuera à croître, notamment sous l’effet de l’arrivée à cet âge des baby-boomers. En 2030, 8 millions de Français auront plus de 75 ans, alors qu’ils sont 5 millions aujourd’hui. Ce phénomène pose des questions en matière de santé publique, et plus globalement d'adaptation de la société au vieillissement.  
 
La pollution de l’air

L’exposition aux particules augmente le risque de mortalité liée à des maladies respiratoires et cardio-vasculaires (CGDD/SOeS, 2015). Le taux de mortalité dû à la pollution de l’air s’élevait à 17,2 pour 100 000 en France en 2012 (OMS, 2016).

Le respect de la norme de pollution de l’air édictée par l’OMS augmenterait l’espérance de vie de 5,8 mois à Paris et de 7,5 mois à Marseille (étude Aphekom). La population française est inégalement touchée par les effets de la pollution de l’air, les personnes pauvres étant plus sensibles et exposées aux particules fines.
 
Des inégalités d’accès aux soins

Bien que le nombre de médecins en France ait augmenté – en 1985, la densité de médecins est de 275 praticiens pour 100 000 habitants, en 2015, elle est de 336,5 pour 100 000 habitants – leur présence est hétérogène sur le territoire. Il existe une fracture médicale au sein de la population française. Des déserts médicaux s’installent sur certains territoires. Par exemple, Paris compte 798 médecins pour 100 000 habitants, tandis que le département de l’Eure ne possède que 180 médecins pour 100 000 habitants. Les déserts médicaux sont majoritairement les zones rurales ainsi que les banlieues périphériques des villes. On observe également une baisse d’effectifs pour les professions paramédicales telles que les infirmières.

Afin de lutter contre le développement de ces déserts médicaux, le Pacte Territoire Santé a notamment été lancé en décembre 2012. Ce dispositif vise à inciter l’installation de jeunes médecins dans les territoires déficitaires, et encourage le développement d’infrastructures de soin telles que les maisons ou les pôles de santé. Le nouveau gouvernement a également lancé un nouveau plan en octobre 2017 afin de « renforcer l’accès territorial aux soins ».

La population française souffre également d’inégalités sociales en termes de conditions de vie et d’accès aux soins de santé. Le poids des déterminants sociaux sur la santé est illustré par la corrélation entre les indicateurs de santé et la catégorie socioprofessionnelle. Ces déterminants agissent dès l’enfance, contribuant à l’état de santé et à la trajectoire de vie en limitant l’accès aux études supérieures, à un emploi qualifié et à des revenus permettant de recourir à des soins de santé (groupe de travail « santé et accès aux soins » du gouvernement). 

Ainsi, les hommes cadres supérieurs ont une espérance de vie de 82 ans, et les ouvriers de 76 ans (Insee). Les conditions de vie des Français sont marquées par des inégalités fortes. En effet, à 35 ans, les cadres supérieurs peuvent espérer vivre encore 34 ans sans aucune incapacité (difficultés visuelles, auditives, de la marche ou des gestes de la vie quotidienne). En revanche, cette durée est de 24 ans pour un ouvrier. Pour les femmes, l’écart d’espérance de vie est plus réduit (il est de seulement 2 ans), mais une femme ouvrière à 35 ans connaîtra une incapacité au cours des 22 dernières années de sa vie, contre 16 années pour une femme cadre supérieure. 

Selon l’Institut national pour la prévention et d’éducation pour la santé (INPES), les inégalités sociales face à la santé ont eu tendance à s’aggraver ces vingt dernières années. Ainsi, si la mortalité a diminué globalement depuis 1968, certaines catégories en ont plus bénéficié que d’autres. 

Les actions engagées dans le domaine de l’accès à la santé doivent donc adopter une approche intersectorielle, en considérant les déterminants sociaux, économiques et géographiques.


Incertitudes majeures

— Le transhumanisme 

Ce mouvement prône l'utilisation des progrès technologiques et scientifiques dans le but d’améliorer la condition humaine. Le transhumanisme cherche à dépasser les limites biologiques de l’homme, en éliminant les maladies ou les handicaps, et en permettant à l’homme d’être “augmenté”, intellectuellement et physiquement, par les nouvelles technologies. 
 

Émergences

—  Les progrès médicaux

Les biotechnologies rouges, c’est-à-dire appliquées à la médecine, sont en train de révolutionner le domaine de la santé. Elles se sont progressivement imposées comme étant l’un des moteurs majeurs de l’innovation thérapeutique et de la croissance de l’industrie pharmaceutique. 

Les biotechnologies représentent un marché économique considérable : en 2014, le secteur biotechnologique du marché du médicament représente le tiers du marché mondial.

Les nouvelles technologies promettent de bouleverser profondément la pratique médicale. L’intelligence artificielle sera ainsi bientôt capable d’effectuer de nombreuses tâches médicales, comme le diagnostic.
 
— La médecine des 4P 

Prédictive, personnalisée, préemptive et participative. Une nouvelle méthode pour les professionnels de santé se développe. Celle-ci permet d’anticiper les maladies (prédictive), de se centrer vers le patient (personnalisée), de prendre des mesures correctives avant le développement d’une maladie (préemptive), et d’indiquer au patient un mode de vie adapté (participation).

Cette nouvelle manière de pratiquer la médecine a pour but de responsabiliser les patients, en les rendant eux-mêmes acteurs de la santé. Ce phénomène aura de forts impacts sur la pratique clinique et l’industrie de la santé. Il sera en effet possible d’identifier les risques en amont, et de traiter une maladie avant que ses signes cliniques n’apparaissent.

— L’« empowerment » des patients 

Ces dernières années, les patients sont incités à participer davantage dans le processus des soins de santé. Ainsi, le développement de l’éducation thérapeutique et du plan personnalisé de santé (PPS) en France sont les témoins d’une autonomisation des patients. 

Selon la Haute autorité de santé (HAS) « L’éducation thérapeutique du patient (ETP) vise à aider les patients à gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle est un processus continu, qui fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient ». 

De même, « le PPS est un plan d’action concernant les personnes âgées en situation de fragilité et/ou atteintes d’une ou plusieurs maladie(s) chronique(s), et nécessitant un travail formalisé entre acteurs de proximité. Il s’agit de favoriser la prise en charge en équipe pluriprofessionnelle dans un cadre de coopération non hiérarchique. Ce plan d’action fait suite à une évaluation globale de la situation médicale, psychologique et sociale de la personne afin d’identifier les situations à problèmes. Il débouche sur un suivi et une réévaluation ». Le premier modèle du plan a été mis en place en 2013.

Les associations de patients se mobilisent également dans cette direction, comme le collectif [Im]Patients Chroniques et Associés, qui demande à ce que les malades soient informés des décisions relatives à leurs soins. 
 

→ Découvrez des projets en coopération qui répondent à cet ODD.

 


Ressources

_ « Rapport Impact sanitaire de la pollution atmosphérique dans neuf villes françaises. Résultats du projet Aphekom », 2012

_ ANSM, « État des lieux de la consommation des benzodiazepines » 

_ Synthèse du rapport « L’état de santé de la population en France », Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques de Santé publique France, 2017 

_ Louis-Charles Viossat, « La transition sanitaire et épidémiologique », Rapport Vigie 2016, Futuribles international, Paris, p. 53 

_ Louis-Charles Viossat, « Les progrès des biotechnologies en santé », Rapport Vigie 2016, Futuribles International, Paris, p. 76

_ Albertine Aouba, Françoise Péquignot, Alain Le Toullec, Eric Jougla, Les causes médicales de décès en France en 2004 et leur évolution 1980-2004, Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, Inserm CépiDc.

_ Isabelle Robert-Bobée, « Projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050 », INSEE première, 2006. 

_ Potvin L., Moquet M.-J., Jones C. (sous la dir.), Réduire les inégalités sociales en santé, INPES, coll. Santé en action, 2010 

_ Site de la Haute Autorité de Santé : www.has-sante.fr

_ « Empowerment des patients : où en est-on ? », Innov’Asso, Décembre 2015. 

_ « Santé et accès aux soins : pour un accès plus égal et facilité à la santé et aux soins », travaux préparatoires de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, novembre 2012.

  • 1Selon les indicateurs du « Vivre mieux » de l'OCDE, la France se positionne au-dessus de la moyenne dans les dimensions des revenus et du patrimoine, du bien-être, de la santé, de l'engagement civique, de l'équilibre vie professionnelle-vie privée et de la sécurité.
Outils et ressources utiles
Note d'éclairage