Engagement

Ressource #7 « Les Français sur le fil de l'engagement » d'Anne Muxel et Adélaïde Zulfikarpasic [Engagement]

Hannah Olivetti
Hannah Olivetti
Dans le cadre de l’exercice de prospective « Vers une société de l’engagement ? », la Fonda a souhaité ouvrir un espace de réflexions sur l’engagement : un club de lecture ! Dans cette septième fiche de lecture, Hannah Olivetti présente l'ouvrage d'Anne Muxel et Adélaïde Zulfikarpasic « Les Français sur le fil de l'engagement », paru en 2022.
Ressource #7 « Les Français sur le fil de l'engagement » d'Anne Muxel et Adélaïde Zulfikarpasic [Engagement]
Visuel club de lecture ressource #7 © Agathe Thiebeaux / La Fonda

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Ressource #7 Anne Muxel et Adélaïde Zulfikarpasic, Les Français sur le fil de l'engagement, Fondation Jean-Jaurès et Éditions de l'Aube, 2022, 157 pages.

Présenté par Hannah Olivetti, chargée de mission Prospective à la Fonda.

Mots clés : #Engagement #Démocratie #Citoyens

ENSEIGNEMENTS CLÉS

Brève présentation des autrices

Anne Muxel est directrice de recherche en sociologie et en science politique au CEVIPOF. Ses travaux portent sur les mutations de la citoyenneté et les formes de participation politique. Elle est administratrice de la Fondation Jean-Jaurès.

Quant à Adélaïde Zulfikarpasic, elle est directrice de BVA Opinion. Elle intervient également en tant qu’en enseignante à Sciences Po et est experte associée à la Fondation Jean-Jaurès.

Que nous apprend cette ressource ?

Les Français éprouvent une défiance à l’égard des institutions politiques et de leurs représentants. La hausse de l’abstention au fil des différentes élections, nationales et locales, l’illustrent. Cette crise de la participation politique est-elle le reflet d’un désengagement plus global des citoyens ?

Cet ouvrage démontre que les citoyens sont toujours actifs, mais sous des formes qui se diversifient. Il s’appuie sur les résultats d’une enquête menée sur le rapport des Français à l’engagement auprès de 3 000 personnes de 18 ans et plus en 2021. Un module complémentaire porte sur les valeurs patriotiques des Français, ainsi que sur leurs engagements de proximité pendant la crise du COVID-19.

MISE EN PERSPECTIVE AVEC L’ENGAGEMENT

Qu’est-ce que s’engager pour les Français ?

Après avoir rappelé la dimension polysémique du terme « engagement » (juridique, historique, professionnel, médical, militaire, etc.), les autrices soulignent que l’engagement se caractérise par des actions et des valeurs. Il s’agit d’interactions entre l’individu et le groupe, et plus globalement la société.

Les Français ont majoritairement une perception positive du mot « engagement ». C’est le cas surtout des jeunes, des salariés d’une entreprise publique, des personnes appartenant aux catégories socio-professionnelles dites supérieures, celles fortement intéressées par la politique et celles issues de familles engagées. L’engagement renvoie davantage à une dimension individuelle, comme les valeurs ou bien encore une ligne de conduite, qu’à une approche plus collective (engagement pour une cause, engagement associatif ou humanitaire, etc.).

La majorité des Français interrogés se déclare engagée. Elle pense aussi qu’il est préférable de s’engager, même si l’on n’est pas sûr du résultat que l’on va obtenir. Cela montre que les Français se sentent concernés par les enjeux sociétaux et agissent.

  • 82 % des Français interrogés ont une perception positive du mot « engagement ».
  • 62% se déclarent engagés, même si l’intensité de l’engagement varie.
  • ¾ pensent qu’il est préférable de s’engager, même si l’on n’est pas sûr du résultat que l’on va obtenir.

Qui sont les Français qui s’engagent ?

« L’engagement s’inscrit dans un processus biographique et dans une temporalité sociale, à l’interface de l’expérience individuelle et de l’expérience collective », soulignent les autrices.

Ainsi, le fait de s’engager est le fruit de plusieurs paramètres personnels (âge, milieu social, niveau de diplôme, lieu de vie, héritage familial, la politisation et les convictions religieuses, etc.) et d’autres plus conjoncturels (comme des luttes sociales, la défense des droits).

Pour caractériser le niveau effectif d’engagement des Français (au-delà de leurs perceptions de leur engagement), les autrices ont créé un score global d’engagement. Le score global d’engagement des Français est en moyenne de 57/100, 60/100 pour les jeunes de 18-24 ans.

Comment les Français s’engagent-ils ?

Dans un contexte de défiance à l’égard des rouages démocratiques et du personnel politique, les Français interrogés partagent leur préférence pour des formes directes d’expression et de participation politique. La majorité déclare signer souvent une pétition, faire un don à une association régulièrement et pratiquer le boycott contre une entreprise ou une marque.

Près d’un tiers des Français ont recours aux réseaux sociaux pour partager leurs opinions. Ce phénomène concerne près de la moitié des jeunes. En revanche, peu de Français s’engagent dans des structures d’action collective, comme des associations, un parti politique ou bien encore une réserve citoyenne (police et armée).

54% des Français déclarent signer une pétition souvent ou de temps en temps, contre 57% des 18-24 ans.

52% font un don à une association à la même fréquence.

9% sont membres d’une association.

2% déclarent être membres d’un parti politique. Il en va de même pour la réserve citoyenne.

Les trois moyens d’action jugés les plus efficaces par les Français pour défendre des convictions ou s’engager pour une cause sont :

  • S’engager dans une association pour 71% d’entre eux,
  • Voter aux élections pour 70% d’entre eux,
  • Faire un don à une association pour 64% d’entre eux.

Cinq grands registres d’engagement politique et citoyen sont identifiés : l’engagement électoral, l’engagement protestataire, l’engagement partisan ou syndical, l’engagement pour une cause et enfin l’engagement numérique. Les autrices notent quelques enseignements clés :

  • L’engagement électoral et l’engagement protestataire ne sont pas antinomiques. Les citoyens utilisent ces différentes formes d’engagement qui sont complémentaires. En revanche, ceux qui s’abstiennent systématiquement tendent à se désinvestir des autres modalités d’engagement, sauf de l’engagement numérique.
  • Les individus situés à gauche de l’échiquier politique et ceux qui expriment un intérêt pour la politique sont plus enclins à l’engagement protestataire, tandis que ceux situés à droite sont légèrement plus enclins à l’engagement électoral.
  • Les individus situés à gauche de l’échiquier politique et qui expriment un intérêt pour la politique ont un surcroît d’engagement partisan et syndical, ainsi que de l’engagement pour une cause.
  • Les individus qui s’engagent dans un parti, un syndicat ou une association ont tendance à s’engager aussi dans les autres registres d’engagement.
  • L’engagement numérique est utilisé par la majorité des citoyens, qu’ils votent ou non.

58% des Français ont un profil « engagé ». Ce sont principalement des personnes venant de catégories socioprofessionnelles supérieures. Parmi eux :

  • Dominante protestataire (45%),
  • Dominante conventionnelle (42%),
  • Dominante activiste (13%), composée souvent d’individus à gauche et jeunes.

42% des Français ont un profil de « désengagé ».  Parmi eux :

  • Les distanciés (68%) par rapport au système politique et social,
  • Les hors-jeu (32%) qui sont exclus du système politique et qui le rejettent.

Concernant le module complémentaire de l’enquête, il en ressort que 65% des Français sont prêts à s’engager pour défendre leur pays en cas de conflit. La moitié est prête à risquer sa vie, principalement des hommes jeunes. Quant à la crise sanitaire, ce fut l’occasion de voir émerger des engagements de proximité variés tels que les applaudissements de 20 heures pour soutenir les personnels soignants, la prise de nouvelles des personnes âgées et du voisinage ou bien encore le fait de rendre des services à ses voisins.

Les autrices concluent l’ouvrage par une note positive. Malgré le contexte actuel complexe -entre autres avec une défiance à l’égard des institutions politiques, une fragmentation sociale ou bien encore la multiplication des crises -, il existe une vitalité démocratique en France. Les Français s’engagent plus que les citoyens d’autres pays.

Toutefois, « les engagements sont plus autonomes, plus volatils, plus dépendants de l’air du temps et des enjeux de l’actualité, tels que le réchauffement climatique, les flux migratoires, le racisme, les droits de l’homme, le genre et bien d’autres causes mettant en avant de façon privilégiée des problématiques identitaires ». Tout ceci montre que l’engagement des citoyens est lié à leurs valeurs et représentations et la manière dont elles résonnent par rapport à une cause à une échelle collective.

Aujourd’hui, l’engagement s’articule entre des formes de participation conventionnelles (les partis politiques, les syndicats, les associations, le vote) et d’autres non-conventionnelles (boycott, manifestations, etc.). En résumé, « l’engagement se construit, se bricole, voire s’improvise ». Les corps intermédiaires, en particulier les associations, ont un rôle dans le développement de l’engagement, concluent-elles.

Ressources pour aller plus loin

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Ce compte-rendu a été rédigé par Hannah Olivetti, relu par Yannick Blanc pour la Fonda et mis en page par Agathe Thiebeaux. Il est mis à disposition sous la Licence Creative Commons CC BY-NC-SA 3,0 FR.

Fiche de lecture