Numérique et médias

Le numérique est-il un vecteur de transformation des compétences associatives ?

Bastien Engelbach
Bastien Engelbach
Synthèse de la rencontre-débat Fond’Après organisée le 5 décembre 2017 au NUMA.
Le numérique est-il un vecteur de transformation des compétences associatives ?

Une rencontre-débat animée par Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes de la Fonda réunissait Olivier Arnaud, président et co-fondateur de PickAsso, Claire Dubien, responsable du développement de Solidatech, Orianne Ledroit, directrice de la mission Société numérique de l’Agence du numérique, et Tifenn André, directrice de la professionnalisation d’Admical.


Les associations sont concernées par la transition numérique, qui a un effet tant sur leur fonctionnement que sur leurs missions. L’extension du numérique fait apparaître de nouveaux besoins, tout en proposant de nouvelles opportunités d’action. A tous les niveaux, les compétences déployées au sein des associations – aussi bien par le bénévoles que les salariés – sont appelées à évoluer et se modifier, phénomène pouvant aller jusqu’à l’apparition de nouveaux métiers.

Quels sont les changements sociaux et sociétaux qu’entraîne le numérique ? Comment ces changements affectent-ils les associations ? Comment évoluent les fonctions – voire s’en créent de nouvelles – au sein des associations ?
 

Transformations et promesses du numérique

Directrice de la mission Société numérique de l’Agence du numérique, Orianne Ledroit souligne que les promesses du numérique dépendent de sa capacité à bâtir une société innovante et inclusive. Sur ce point, l’enquête Capacity1 , portant sur la réalité de l’empowerment grâce au numérique souligne des disparités à deux niveaux : territoriaux et selon le niveau de diplôme. Les villes moyennes sont globalement plus en retard tant sur l’équipement que sur les usages, tandis que les personnes les moins diplômées peinent à faire de ces outils un vecteur de développement de leur capacité d’action.

Au niveau des associations, Claire Dubien, responsable du développement de Solidatech, souligne que les usages ont évolué, avec un recours plus important au site internet pour présenter l’association, et une hausse de l’utilisation des réseaux sociaux ainsi que des outils collaboratifs. Les bénéfices observés sont nombreux, à condition d’instaurer une culture numérique partagée, certaines structures ayant été jusqu’à créer des postes de « responsable de la transformation numérique ». Parmi ces bénéfices, citons un meilleur partage de l’information, une plus grande visibilité pour l’association et des implications bénévoles plus importantes, avec un suivi partagé des actions.

Sur ce dernier point, Olivier Arnaud, président et co-fondateur de PickAsso, souligne que les outils numériques offrent une opportunité pour mieux repérer et mobiliser les forces internes, en aidant à faire émerger et faire connaître les compétences des bénévoles, mais aussi en favorisant une communication moins pyramidale.

Certains outils restent encore sous-exploitées cependant et possèdent un fort potentiel de développement, tels les outils de formation ou encore les modules de don. Tifenn André, directrice de la professionnalisation d’Admical, indique que le numérique offre des outils variés au service du fundraising. Outre les modules de don en ligne ou les plateformes de crowdfunding, plus largement, le numérique peut contribuer à faire connaître l’association, par l’usage des réseaux sociaux mais aussi en tournant des vidéos de présentation, qui peuvent attirer l’attention de mécènes.
 

L’évolution des compétences au sein des associations

Si les nouveaux outils numériques représentent des opportunités, leurs promesses ne se réaliseront qu’à la condition de développer les compétences qui sont nécessaires à leur usage. C’est l’enjeu central de la médiation numérique, dont Orianne Ledroit souligne qu’elle consiste à mettre en autonomie les personnes. On recense aujourd’hui 10 000 structures de la médiation, portées aussi bien par des associations que des collectivités, des espaces publics numériques, des entreprises ou des collectivités. Ce réseau est en train de se structurer en une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), la MedNum, pour renforcer les acteurs et le développement du numérique au service du pouvoir d’agir.

Pour Claire Dubien, le développement des compétences liées au numérique, plus encore que par une maîtrise des usages techniques, suppose une acculturation aux outils. Cette dernière peut elle-même prendre appui sur le numérique, comme vecteur de transmission et d’échanges. Des supports tels que les MOOC ou les webinaires sont adaptés. Le webinaire permet par exemple de diffuser informations et connaissances, dans une interaction directe entre les participants. A condition de bénéficier d’une conception bien pensée, il peut être le support d’un parcours pédagogique.

De même que les supports de formation, les campagnes de crowdfunding supposent une conception en amont. Tifenn André rappelle ainsi la nécessité de définir clairement le projet que l’on souhaite faire financer, en sachant le présenter de façon concise et séduisante, ainsi que d’allouer les moyens humains et financiers nécessaires à la bonne coordination de la campagne.

Enfin, Olivier Arnaud évoque une évolution du rôle de responsable associatif, appelé à devenir un leader de communauté. Cette posture implique de donner la priorité à l’élaboration d’une vision porteuse de sens et de favoriser l’autonomie pour que l’action de chacun trouve sa place. La règle des 3D indique la manière d’animer une communauté avec efficience : démultiplier, pour impliquer plus largement que le cercle initial de bénévoles ; désynchroniser, pour favoriser l’engagement des bénévoles aux moments qui leur conviennent ; déléguer pour permettre aux bénévoles de trouver du sens dans leur action.
 

  • 1Premiers résultats de l’enquête ANR Capacity sur les usages numériques des Français – Mars 2017
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