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Projet en coopération - impulseR Gironde, un programme collectif d'insertion professionnelle des réfugiés

impulseR Gironde
Et Hannah Olivetti
Face à la crise migratoire de 2015, le nombre de demandeurs d'asile a fortement augmenté dans les pays de l'Union européenne. Une fois qu'ils obtiennent le statut de réfugié, ils peuvent accéder aux dispositifs de droit commun. Toutefois, de nombreux freins persistent pour accéder à un emploi durable. ImpulseR Gironde est né afin de favoriser leur insertion via une coopération pluri-acteurs.
Projet en coopération - impulseR Gironde, un  programme collectif d'insertion professionnelle des réfugiés
Alexeï, participant du programme impulseR et son encadrant technique sur un chantier d’Atelier Chantier d’Insertion du Groupe Mérignac Association Services. © Fred Payet

Dans le cadre du programme Faire Ensemble 2030, la Fonda souhaite valoriser les coopérations pluriacteurs. Cette fiche s’intéresse à impulseR Gironde, un  programme collectif d'insertion professionnelle des réfugiés

Hannah Olivetti a rédigé cet article, suite à un entretien le 10 décembre 2021 effectué avec Louise Malijenovsky, Coordinatrice du programme impulseR Gironde à l'Atelier Remuménage

La nécessité d’accompagner les réfugiés vers l’emploi 

En 2015, l’Union européenne connaît une crise migratoire sans précédent, notamment en raison du conflit syrien. Avec l’arrivée d'un million de migrants, le nombre de demandeurs d’asile a connu une forte hausse. La procédure administrative pour obtenir le statut de réfugié s’inscrit dans la durée, et peut prendre jusqu’à quatre ans. Une fois cette protection internationale obtenue, les personnes réfugiées peuvent accéder aux dispositifs du droit commun, comme la sécurité sociale ou bien le Revenu de solidarité active.  

Toutefois, pour leur permettre d’accéder à l’emploi, de nombreux freins persistent (la langue, la maîtrise des codes du travail, le réseau, etc.). Pour les lever, les structures de l’insertion par l’activité économique, telles que L’Atelier Remuménage, se mobilisent pour accueillir ce nouveau public dans leurs effectifs et, ainsi, leur proposer un accompagnement socio-professionnel.  

Face à ce constat, Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, décide en 2018 de lancer un appel à projets “Intégration professionnelle des réfugiés” pour favoriser l’accès à l’emploi ou à une formation professionnelle. La priorité est donnée aux projets avec un ancrage territorial fort, complémentaires avec les actions et les dispositifs existants et s’inscrivant dans une dynamique concertée.  

Gironde
Alireza, en train de confectionner son nouveau vélo lors d’un atelier mobilités. Aujourd’hui, il est en formation (contrat de professionnalisation) peintre d’intérieur chez Aquitaine Formation Peinture. © impulseR Gironde

Agir ensemble pour favoriser l’insertion des réfugiés en Gironde 

Dix structures de l’insertion par l’activité économique de Gironde, membres du réseau La Grappe1 , lancent en 2019 une réflexion sur l’insertion professionnelle des personnes réfugiées. Elles constatent alors que ces dernières rencontrent des difficultés importantes pour faire reconnaître leurs compétences et accéder à l’emploi. 

                              

Une coopération pluri-acteurs dynamique avec impulseR Gironde

L’équipe projet d’impulseR Gironde comprend dix SIAE : ARE 33 (entretien et nettoyage, espaces verts, etc.), ARCINS Environnement (espaces verts et naturels), L’Atelier Remuménage (mobilité et logistique), Bâti Action (bâtiment, espaces verts et propreté urbaine), Bâti Entreprise (bâtiment), Compagnons Bâtisseurs Nouvelle Aquitaine (bâtiment), les Coteaux des Hauts de Garonne (espaces verts et étalage), Envol 33 (restauration), Mérignac Association Services (propreté, restauration, manutention, etc.), MAS Le Chantier (espaces de vie urbains).  

Les directeurs se réunissent tous les mois pour assurer le pilotage stratégique, administratif et financier. Les accompagnants socio-professionnels se retrouvent également tous les mois. C'est l’occasion pour eux d’échanger sur leurs pratiques, de nouer des liens de confiance, mais aussi de rencontrer un partenaire du projet et de mener une réflexion commune autour des enjeux d’intégration professionnelle : l’apprentissage du français, du numérique, des codes socioculturels, etc… 

  • _ Les partenaires financiers : la fondation SNCF, la Caisse des dépôts, le PIC IAE, la Région Nouvelle Aquitaine via le fonds régional à l’incitation à la formation, et enfin la Ville de Bordeaux. 

  • _ Les partenaires opérationnels : ils participent à la réalisation des actions, comme par exemple Wimoov, Les maisons du vélo, Tout Art Faire, ComEnFrance, etc. 

  • _ Les acteurs locaux qui participent à l’identification et d’orientation des personnes réfugiées : partenaires locaux de l’accueil et de l’intégration (CADA, plateforme Accueil et Intégration des Réfugiés, le centre provisoire d’hébergement, associations de quartier, Action Emploi Réfugiés), les services publics de l’emploi (PLIE, Maison de l’emploi, Pôle Emploi, Mission locale), Cap’ Métiers, etc.

  • _ Les partenaires entreprises et organismes de formation : CREPI Gironde, TPE et PME, clubs d’entreprises, Aquitaine Formation Peinture, etc. 

  • _ Le réseau : l’INAE, la Fédération des acteurs de la solidarité de Nouvelle-Aquitaine, la communauté Plan d’Investissement Compétences nationale et celle de Nouvelle-Aquitaine, la Grappe.    

                           

 

Elles décident de mettre en commun leurs expériences et leurs savoir-faire pour bâtir ensemble l’année suivante un programme : impulseR Gironde. L’idée est de proposer une expérience de travail dans une structure de l’insertion par l’activité économique, tout en menant en même temps un accompagnement global. À terme, les personnes réfugiées pourront accéder à un emploi durable dans le milieu ordinaire. ImpulseR Gironde est lauréat en 2020 de l’appel à projet sur l’intégration professionnelle des réfugiés.  

Un parcours global vers l'emploi pour les réfugiés

Avec impulseR Gironde, les personnes réfugiées accèdent à un parcours renforcé pour aller vers une autonomie sociale, économique et professionnelle. Pour ce faire, ils signent un contrat de travail dans une des structures de l’insertion par l’activité économique membres du collectif. En parallèle, ils bénéficient d’un accompagnement pluridisciplinaire pour développer leurs compétences et leurs connaissances avec, par exemple, des ateliers numériques et des cours de français à visée professionnelle.  

Médiation numérique
Thomas, médiateur numérique et Kalimullah, ancien participant du programme impulseR,  lors des ateliers numérique. © Fred Payet

À cela s’ajoutent des actions optionnelles. Certaines portent sur la mobilité qui est un frein majeur à l’accès à l’emploi, en mettant en place un diagnostic de mobilité, une découverte des modes de déplacement et en organisant des simulations pour se rendre à des entretiens, etc. D’autres concernent l’interculturalité avec des échanges thématiques (sur les codes du monde du travail, la laïcité en entreprise, la non-discrimination, etc.) ou bien encore sur la construction de leur projet professionnel (visites métiers, stages, parrainages, etc.). L’objectif est, au cours des trois premières années, d’accompagner 160 personnes avec 50% de sorties en emploi durable.  

                              

Un facteur clé de réussite, construire ensemble les outils de communication 

Pour constituer le consortium, la définition collective d’une identité commune des outils de communication est primordiale, souligne Louise Malijenovsky. Elle permet de se mettre d’accord sur ce qui compte, sur l’ambition du projet, ainsi que sur les valeurs partagées entre les membres. Tous ces éléments façonnent les contours et les points saillants de la communication partagée. Cela s’est traduit dans la création d’un logo et d’une charte graphique.   

Aujourd'hui, le programme impulseR Gironde utilise une diversité d’outils de communication avec une plaquette de présentation, un site Internet dédié, une présence sur les réseaux sociaux (dont LinkedIn), et une newsletter. 

 

 

Quant aux demandeurs d’asile depuis plus de six mois, ils peuvent être accompagnés via le parcours déclic’. Cette expérimentation vise à leur permettre, en attendant la réponse sur leur statut par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), de les mettre dans une dynamique propice à l’insertion professionnelle. Pendant quatre mois, à raison de deux jours par semaine, ils bénéficient d’un accompagnement socio-professionnel et participent, par exemple, à des visites-métiers, des ateliers numériques.  

Une coopération pluriacteurs pour l’insertion professionnelle des réfugiés 

ImpulseR Gironde constitue aussi une opportunité pour les SIAE de coopérer entre elles. Elles mutualisent les actions d’accompagnement des personnes réfugiées pour lever les freins à l’emploi. Tout ceci grâce à la création d’un parcours commun, global et sans couture. En effet, les personnes réfugiées bénéficient d’un parcours fluide et individualisé jusqu'à l'emploi durable qui prend en compte l’ensemble des freins (logement, social, professionnel, santé, mobilité, etc…).  

4.	Les participants du Parcours Déclic’ (tous en demande d’asile de plus de 6 mois) lors d’une visite de l’entreprise sociale Pauline Air Farm autour des métiers de fermiers urbains aquaponique.
Les participants du Parcours Déclic’ (tous en demande d’asile de plus de 6 mois) lors d’une visite de l’entreprise sociale Pauline Air Farm autour des métiers de fermiers urbains aquaponique. © impulseR Gironde

Les membres s’inscrivent dans une dynamique d’amélioration continue entre pairs. Ils partagent leurs pratiques et leurs retours d’expérience, identifient les points de blocage, mais aussi réfléchissent aux pistes d’amélioration. Les réunions mensuelles rythment la vie interne du consortium.  

                              

Des conseils pour faire ensemble 

Pour Louise Malijenovsky, il est important de prendre le temps de se connaître, mais aussi de vérifier si l’on partage bien des valeurs communes et un intérêt commun sur la problématique visée, avant de vouloir travailler ensemble. Enfin, elle recommande de se doter d’une personne qui soit en charge d’animer le consortium d’acteurs, de le faire vivre en créant du liant entre l’ensemble des parties prenantes : les participants, les accompagnants, les structures de l’insertion par l’activité économique, les partenaires, etc. Toutefois, il est nécessaire d’y allouer collectivement du temps et des moyens. 

 

La coordination mutualisée comme facteur clé de réussite

Les structures du programme impulseR Gironde se coopèrent entre elles grâce à la mise en place d’une coordination mutualisée, avec Louise Malijenovsky. Elle crée toutes les conditions pour que la coopération fonctionne en créant du commun entre les membres.  

Concrètement, elle participe activement à la :  

  • Création d’une culture commune entre les membres : elle a rencontré en amont les différentes SIAE, et notamment ASP, pour comprendre comment chacun travaille, les outils, les méthodes de travail.  Elle documente aussi les différentes actions menées au sein du programme impulseR en collectant les photos auprès des membres. Elle crée aussi un livret d’accueil sous forme de romans-photos. 
  • Mise en place et animation d’outils collaboratifs de collecte d’informations : les accompagnants socio-professionnels renseignent régulièrement sur un drive partagé des documents de suivi des actions, comme par exemple l’inscription des salariés. Un Trello a été mis en place pour assurer le suivi des fiches des participants (les actions auxquelles le salarié a pris part, la durée de sa présence dans le parcours, le type de sortie durable vers l’emploi, etc.). Des documents plus de gestion administrative et financière sont partagés. Et enfin, la coordinatrice organise une veille régulière des ressources sur l’insertion ou bien encore les personnes réfugiées. 
  • Organiser la coopération entre les membres et avec l’écosystème d’acteurs : elle crée pour ce faire une palette d’outils que les accompagnants socio-professionnels peuvent utiliser dans le cadre de l’accompagnement des personnes en fonction de leurs besoins. Mais aussi, elle anime des temps d’échanges entre les SIAE, notamment lors des réunions de l’équipe-projet et des réunions des ASP. Ce sont des occasions pour échanger les pratiques, formuler des retours d’expérience, identifier les points de blocage et réfléchir aux points d’amélioration.  
  • Développer des partenariats pérennes avec les entreprises et les organismes de formation. Ces partenaires sont essentiels pour organiser des visites d’entreprises, des découvertes métiers, mais aussi pour mettre en place des conventions pour des stages et des futures embauches. Le programme est résolument tourné vers le territoire et ses acteurs économiques. 

impulseR Gironde est un programme innovant qui mobilise tout un écosystème d’acteurs engagés au service de l’autonomie sociale, économique et professionnelle des personnes réfugiées. C'est le fruit d’une valorisation continue des savoir-faire de chacun qui, dès à présent, a des résultats positifs pour les premiers concernés !  

 

 

 

  • 1Le réseau La Grappe est un collectif des directeurs de structures de l’insertion par l’activité économique de Bordeaux Métropole.
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