Prospective Enjeux sociétaux

Égalité femmes-hommes : une exigence démocratique ? [Débat prospectif Fond'Après]

Tribune Fonda N°249 - Égalité femmes-hommes : une exigence démocratique - Mars 2021
La Fonda
Et Nils Pedersen, Marion Duquesne, Céline Mas, Hannah Olivetti, Fonds pour les Femmes en Méditerranée
Dans le cadre de la parution de la Tribune Fonda n° 249 consacrée à l’égalité femmes-hommes, la Fonda a organisé un débat prospectif avec Céline Mas, présidente d’ONU Femmes France, et Marion Duquesne, chargée des relations internationales au Fonds pour les femmes en Méditerranée, animé par Nils Pedersen, président de la Fonda.
Égalité femmes-hommes : une exigence démocratique ? [Débat prospectif Fond'Après]
Égalité femmes-hommes : une exigence démocratique ? © Paul Grelet

Les droits des femmes toujours fragiles

À la suite de la déclaration et au programme d’action de Beijing en 1995, des progrès ont été accomplis au cours des vingt-six dernières années pour les droits des femmes sur divers champs : éducation des filles, lutte contre les violences faites aux femmes, reconnaissance des féminicides. Toutefois, ces avancées sont insuffisantes, souligne Céline Mas.

La situation est contrastée ajoute Marion Duquesne. Autant la loi française a acté l’égalité en droits, autant ce n’est toujours pas le cas dans certains pays, notamment du Maghreb concernant les questions d’héritage, ou bien encore en Afrique de l’Ouest.

Et ce, même si « l ’égalité produit de la croissance et de la performance », insiste Céline Mas.

Il serait par exemple possible de lutter de façon spectaculaire contre la famine en Afrique de l’Ouest si les terres étaient partagées équitablement entre les femmes et les hommes.

La crise du COVID-19 aggrave la situation des femmes Elles subissent une explosion des violences et basculent dans la pauvreté, du fait de leur surreprésentation dans l’économie informelle. Par ailleurs, peu de femmes ont été à la table de discussions durant la gestion de la crise sanitaire. Céline Mas craint des répercussions négatives sur la représentation des femmes à long terme.

Un manque d’estime de soi persistant

À la fois cause et conséquence de cette absence de représentation, les femmes manquent d’estime de soi quelles que soient leurs classes sociales. « Elles se mettent des freins », insiste Marion Duquesne, et sont « prisonnières des limitations projetées par la société », complète Céline Mas.

Cela s’explique notamment par la persistance des stéréotypes de genre.

L’éducation, la formation et la sensibilisation aux enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes constituent des outils à développer et amplifier, aussi bien à destination des premières concernées que du reste de la société, dans les administrations publiques, comme les entreprises ou les associations.

Une exposition à la violence

Tout comme le manque d’estime de soi, l’exposition à la violence n’est pas réservée à une classe sociale en particulier. Toutes les femmes peuvent y être confrontées.

Cette violence est en effet protéiforme : au sein de la cellule familiale, sur le lieu de travail, ou bien encore en ligne avec le cyberharcèlement.

Il est donc urgent d’agir sur cette problématique, car « tant que les femmes ne sont pas en sécurité, elles ne peuvent pas développer d’autres compétences », explique Céline Mas.

Le rôle prépondérant de l’État

L’État a un rôle à jouer pour favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. Cet engagement peut se traduire en plusieurs pistes d’action :

  • Sensibiliser aux questions du genre et aux violences faites aux femmes les acteurs de la société civile, notamment les fonctionnaires comme les magistrats et les policiers. C’est un levier important, souligne Marion Duquesne, pour lutter contre le sexisme en travaillant sur les représentations et les stéréotypes.
  • Voter des lois dotées d’objectifs chiffrés. C’est essentiel pour Céline Mas, car « nous n’arriverons pas à l’égalité en 2030 si nous ne mettons pas en place des contraintes ». La loi Copé-Zimmermann de 2011 en est un exemple. L’introduction de quotas des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance a permis en l’espace de dix années une nette augmentation de leur participation à ces instances (44,6 % aujourd’hui, contre 10 % en 2011).
  • Soutenir financièrement les structures œuvrant pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Bien que les financements publics augmentent sur cette thématique, Marion Duquesne déplore leur caractère difficilement accessible pour les petites associations. Elle invite les décideurs publics à privilégier les subventions, plutôt que les appels à projets, ainsi qu’à financer le fonctionnement interne des organisations et pas seulement des projets.

L’implication des entreprises

L’égalité entre les femmes et les hommes constitue un enjeu pour les entreprises, souligne Céline Mas, car elle crée de la performance. Une étude Mc Kinsey, disponible ici, les performances des entreprises sont 50% plus élevées quand des femmes sont aux postes de pouvoir. Pour agir en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, les entreprises doivent « choisir leurs combats », rappelle Céline Mas, au risque sinon de s’éparpiller.

Concrètement, elles peuvent se doter d’une feuille de route structurée avec des indicateurs de suivi sur des thématiques précises.

La mobilisation des associations Les associations agissent au quotidien contre les inégalités entre les femmes et les hommes en sensibilisant leurs bénévoles et les individus à ces enjeux. Elles organisent également, à l’image du Fonds pour les femmes en Méditerranée, des formations à l’intelligence collective pour apprendre à « faire ensemble ». C’est un levier d’action essentiel, insiste Marion Duquesne, face à cette problématique systémique et transversale.

Une convergence entre les différentes luttes se produit à l’heure actuelle, observe Marion Duquesne, avec notamment des mouvements féministes qui sont de plus en plus intersectionnels. Ce  changement de culture dans les associations s’inscrit dans une réflexion systémique.

L’engagement des citoyennes et des citoyens

Les citoyennes et les citoyens ont un rôle à jouer :

« on a tous les capacités de faire bouger les lignes », observe Céline Mas, en refusant par exemple les humiliations du quotidien et les inégalités.

Elle recommande aussi de se former à ces enjeux en lisant des ouvrages, en rencontrant d’autres personnes engagées, ainsi qu’en participant à des associations de proximité.

Pour espérer faire changer les choses, « il est important d’avoir de l’empathie et d’être dans le dialogue », ajoute Céline Mas, et que les hommes se sentent concernés par cette thématique.

Une mobilisation de tous les acteurs de la société est essentielle

ONU Femmes souhaite passer à la vitesse supérieure avec l’organisation en juin prochain du Forum Génération Égalité à Mexico et Paris. L’objectif est de « lancer des actions qui sont concrètes, ambitieuses et transformatrices, afin de réaliser immédiatement et durablement les objectifs en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Pour y parvenir, les coalitions d’action, réunissant États, entreprises et société civile, constituent un levier d’action privilégié insiste Céline Mas. Chacune va se doter de son propre agenda, d’indicateurs de mesure et de livrables à produire pour une durée de cinq ans.

Quid du numérique ?

Bien que le numérique favorise la mobilisation des associations et de leurs membres en levant les contraintes géographiques, Marion Duquesne déplore la persistance de la fracture numérique : certaines n’ont pas les moyens financiers pour s’équiper. D’ailleurs pour y faire face, le Fonds pour les femmes en Méditerranée a créé des subventions informatiques.

Les réseaux sociaux sont également une opportunité pour les femmes de prendre conscience de leur capacité à changer la donne, ajoute Céline Mas. Mais ces plateformes ne sont pas sans danger pour les femmes, comme le montrent les cas de cyberharcèlement.

Pour faire face à l’ensemble de ces enjeux, tous les acteurs de la société civile peuvent s’engager pour l’égalité entre les femmes et les hommes

A propos de nos intervenantes :

Le Fonds pour les femmes en Méditerranée soutient financièrement des associations du pourtour méditerranéen qui œuvrent pour défendre les droits des femmes, les forme à l’intelligence collective, tout en assurant un plaidoyer auprès des pouvoirs publics.

ONU Femmes France, mène des actions de sensibilisation, de mobilisation, lève des fonds pour des programmes dans le monde, et apporte son expertise aux institutions françaises, dont le gouvernement français et l’Assemblée nationale.

Pour aller plus loin :

Débat