Parler d’exigence à propos de l’égalité entre les femmes et les hommes signale qu’elle est une question nécessaire, à l’aune de laquelle nous devons considérer nos pratiques et nos représentations. La Tribune Fonda n°249 se penche sur la question.
Comment l'engagement et les combats pour l'égalité entre les femmes et les hommes se structurent-ils ? En quoi bénéficient-ils à la société dans son ensemble ? Autour d'entretiens, d'analyses et de présentations d'initiatives, le numéro explore l'Objectif de développement durable (ODD) 5, "égalité entre les sexes". Il éclaire les initiatives permettant de l'atteindre, en portant une vision inclusive et une exigence de justice.
Commander
Abonnement
Pour accéder à l'intégralité des articles de la Tribune Fonda dès leur publication, abonnez-vous !
Vous y trouverez chaque trimestre des éclairages inédits et inspirants sur les évolutions du monde associatif et de l’économie sociale et solidaire.
Liberté, égalité, adelphité !
Que de lois, de décrets et d’ordonnances pour instaurer une égalité entre les femmes et les hommes ! En France, les femmes ont obtenu le droit de vote en 1944. Elles ont pu ouvrir librement un compte en banque en 1965. Leur droit à maîtriser leur fécondité, condition indispensable à leur autonomie, a été reconnu en 1975. Et il a fallu attendre 1983 pour la reconnaissance de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. On peine à imaginer que dans la patrie des droits de l’homme et du citoyen, les femmes aient dû autant lutter pour revendiquer leur égalité avec les hommes1 .
Pourtant, des inégalités persistent. Sur le plan démographique, les femmes composent 51,5 % de la population française (et même 52,3 % des électeurs2 ). Mais sur le plan politique, elles n’étaient que 38,7 % des députés en 20173 . Sur le plan économique, les femmes touchent, en moyenne, un salaire de 24 % inférieur aux hommes, et une seule femme occupe la direction d’une entreprise du CAC 40. Quant aux tâches domestiques, elles sont réalisées à 72 % par les femmes4 . On pourrait aligner de (trop) nombreux indicateurs pour illustrer une société qui néglige encore la moitié de ses membres. Mais là est bien le problème : l’égalité femmes - hommes est bien souvent réduite à une (longue) liste de statistiques qu’il faudrait corriger.
Ce combat pour l’égalité, deux femmes l’ont incarné. Dès 1949, Simone de Beauvoir soulignait qu’« on ne naît pas femme : on le devient 5 ». Mais, il faut bien l’admettre : arracher les femmes du mythe et de l’idéal dans lesquels elles sont enfermées, ne relève pas de la seule politique. Les ressorts sont bien plus profonds et insidieux. Comme le rappelait par ailleurs Gisèle Halimi, « naître femme, [c’est] faire partie de cette moitié de l’humanité, qui jusqu’à sa mort, subira toutes les discriminations6 ». L’universalité de nos principes ne résiste pas à la réalité du vécu des femmes. De Beauvoir, encore, le résumait ainsi : « La femme se détermine et se différencie par rapport à l’homme et non celui-ci par rapport à elle ; elle est l’inessentiel en face de l’essentiel. Il est le sujet, il est l’Absolu : elle est l’Autre7 ».
La situation a-t-elle réellement changé en 2021 ? Si ce combat reste d’actualité et tente désormais d'articuler les discriminations liées au genre, à celles liées à l’identité ou à la sexualité. Les hash-tags #MeToo et #MeTooInceste ont mis en lumière une réalité encore trop sous-estimée : la prédominance — consciente ou non — d’un patriarcat et des violences qui l'accompagnent. Cette forme d’organisation sociale instaure des rapports sociaux hiérarchisés aux ramifications complexes, que #MeTooGay et #BlackLivesMatter ont également dénoncé. Cette catégorisation binaire, qui continue de régir nos vies, refuse cette pleine diversité qui est la nôtre.
Il y a pourtant matière à garder espoir : nous vivons un tournant majeur, avec de très nombreuses formes de mobilisations qui surgissent de partout dans le monde. La domination masculine tend à se fissurer : la question de l’égalité des sexes serait enfin devenue « un sujet important » pour 80 % des personnes interrogées dans 17 pays, dans le cadre de l’étude publiée par Focus 2030 et Women Deliver8 , à la veille de l’une des plus grandes conférences jamais organisée depuis 25 ans sur l’égalité femmes-hommes : le Forum Génération Égalité (FGE).
Qu’il n’y ait pas de malentendu. Il ne s’agit pas d’un combat contre les hommes, comme le rappelle bell hooks : « Le plus souvent, [les gens] pensent que le féminisme, c’est une bande de femmes en colère qui veulent être comme les hommes. Il ne leur vient même pas à l’esprit que le féminisme puisse être (…) un combat des femmes pour l’égalité des droits 9
». Ce combat est l’affaire de tous, hommes et femmes, pour une société harmonieuse et apaisée. Alors, comme le propose ONU Femmes dans le cadre de la préparation du FGE : « traduisons les promesses en action ». Ce numéro vous y invite.
- 1On ne peut s’empêcher de penser que l’exclusion des femmes des droits politiques du cœur du texte fondamental établi par la Révolution de 1789 est une malfaçon lourde de conséquences pour notre République.
- 2 Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Repères statistiques
- 3 Idem.
- 4idem.
- 5Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe
- 6Gisèle Halimi, La Cause des femmes, Gallimard, 1992, p. XII
- 7Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe
- 8 Focus 2030 et Women Deliver, Les aspirations citoyennes en faveur de l’égalité femmes-hommes dans le monde : une volonté de changement, janvier 2021
- 9bell hooks, tout le monde peut être féministe, divergences, 2020.